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Gestion RH chez Aviva France : « Nous abandonnons le flex office avec le Covid-19 »

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

Entre confinement et déconfinement, Jean-François Ode, DRH d’Aviva France, explique la manière dont le groupe d’assurance vie et dommages adapte l’organisation du travail et les configuration d'équipes.

Aviva France : Interview du DRH Jean-François Ode - © D.R.
Aviva France : Interview du DRH Jean-François Ode - © D.R.

Les grands groupes ont dû bousculer leur organisation rapidement pour s’adapter à la crise Covid-19 et au confinement. Aviva France a adopté une méthode volontariste pour intensifier le télétravail. Maintenant, il faut gérer la phase de déconfinement, synonyme de retour des collaborateurs sur les sites de la compagnie d’assurance vie et dommages.


En partenariat avec News Tank RH, Exclusive RH propose un long extrait du témoignage de Jean-François Ode. Le membre du comité exécutif d’Aviva France en charge de la fonction RH, environnement de travail et immeuble, sécurité et organisation détaille les principales mesures mises en place et évoque la manière dont les outils digitaux ont facilité la collaboration à distance.

Comment Aviva France a supervisé la gestion RH en mode confinement ?

Avec la crise, nous avons accéléré l'’installation de la softphonie sur les PC portables de nos collaborateurs

Dans le cadre d’un plan de transformation lancé en 2018, nous avions décidé de basculer notre organisation en mode flex office et d’équiper tous nos collaborateurs avec des ordinateurs portables intégrant des softphones et avec des smartphones.
Avec la crise, nous avons accéléré le plan d’installation de la softphonie sur les PC portables de nos collaborateurs, en particulier ceux en support à nos clients pour prendre leurs appels depuis leurs domiciles. Il a été achevé fin mars.
Ce plan de transformation intégrait aussi une dimension flex office et une proportion de 30 à 40 % de l’effectif avait déjà la possibilité de faire du télétravail une à deux journées par semaine.

Avec la grève des transports de décembre 2019, nous avions déjà augmenté la capacité de notre réseau privé virtuel [Virtual Private Network ou VPN en anglais] pour accueillir à distance tous nos collaborateurs et éventuellement les prestataires dont nous aurions besoin. Ainsi, nous sommes en mesure de supporter entre 2800 et 2900 connexions simultanées sur le VPN de la principale UES [3300 collaborateurs sur un effectif global de 4500 personnes en France].
Nous disposons aussi d’une solution de connexion par bureau virtuel [virtual desktop infrastructure ou VDI] pour accueillir à distance les nouveaux collaborateurs intégrés après le 17 mar afin qu’ils disposent des ressources présentes sur notre réseau informatique.

Au démarrage du confinement, 98 % des collaborateurs d’Aviva France ont basculé en télétravail. Seuls quelques collaborateurs se rendaient sur nos sites physiques par nécessité.

Nous avions aussi lancé un cycle de formation sur le thème du management à distance. Avec le confinement, nous avons mis en place une sorte d’intranet pour regrouper ces ressources destinées à nos managers.
Pour la prévention des risques psychosociaux (RPS), un dispositif de détection de burn-out des collaborateurs a été mis en place et des ressources ad hoc pour gérer ce type de situation ont été diffusées auprès des managers.


Nous avons organisé 13 ateliers à travers notre plateforme QualiSocial (prestataire expert en bien-être au travail) et des groupes de parole avec l’aide de notre équipe de coachs internes. Nous disposons de notre propre académie de coaching. 

Les premières décisions lors du confinement ont porté sur la manière d’accompagner nos collaborateurs afin qu’ils trouvent un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale. Avec les partenaires sociaux, nous avons réduit le temps de travail entre 10 et 50 % pour nos collaborateurs qui sont dans des situations particulières (vie des enfants, gestion de parents âgés, handicap…), sans réduction de salaire. 

Nous avons mis à disposition des collaborateurs en interne sous forme de missions temporaires. Certains salariés rattachés à l’activité commerciale des offres d’assurances en Direct ont renforcé les équipes qui en avaient besoin, comme les équipes dédiées aux produits d’épargne.
Nous avons aussi recommandé à nos collaborateurs la prise de journée de repos mais sans imposer de mesures de congés. Nous avons déjà organisé des journées sans réunion pour favoriser la prise de congés et nous en planifions une autre fin mai 2020.

Avez-vous développé la formation pendant cette période de confinement ?

En octobre 2019, nous avions mis l’accent sur un projet d’e-learning dans le cadre de notre plan de formation pour une mise en œuvre en janvier 2021.
En raison du nouveau contexte, je ne suis pas sûr de tenir l’objectif avec l’échéance initialement fixée : chaque collaborateur disposera d’un capital de 30 heures de formation par an (aujourd’hui, nous sommes à peine à la moitié).

Nous privilégions le e-learning sur les postes de travail pour être plus réactif et stimuler le collaborateur. Nous étions en train de construire des parcours digitaux de formation lorsque la crise est survenue. En l'état actuel, nous manquons encore d’organisation et d’un catalogue structuré de formation.

Nous avons adopté la plateforme LinkedIn Learning, qui est riche en contenus, et nous la complétons par des contenus de formation directement acquis en France et de contenus que nous élaborons en interne. Depuis quelques mois, nous disposons d’un nouveau centre de formation, adapté aux pratiques à distance et aux classes virtuelles.

Quels principaux enjeux RH recensez-vous avec la période de déconfinement qui s’ouvre ?

Nous portons une attention particulière aux RPS, liée à la culture de bienveillance d’Aviva. Deux mois de confinement, cela a été long pour tous. La fatigue est importante et les efforts se sont révélés utiles. Tout le stress accumulé peut sortir d’un coup. Et nous ignorons toujours quand nous reviendrons à une vie normale.
Au sein d’Aviva France, nous allons lancer une nouvelle vague d’écoute attentive des collaborateurs, en contactant ceux qui pourraient se replier sur eux.

Un baromètre pour sentir le pouls social

« Depuis quinze jours, au niveau du groupe, nous avons lancé un baromètre social sous forme d’un court questionnaire adressé à nos collaborateurs en France. C’est encourageant avec un niveau de réponses positives élevé à propos de l’attention portée par Aviva sur le bien-être (94 % sur 523 répondants, 10 points au-dessus du niveau des résultats groupe). 76 % des collaborateurs estiment avoir trouvé un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée à 76 % (+1 point par rapport au groupe). »

Le 6 mai, j’ai organisé une session par Skype avec les managers pour évoquer plusieurs éléments concernant le déconfinement, notamment la gestion des congés, l’emploi et les objectifs. Ensuite, le directeur général Patrick Dixneuf a fait un point d’activité au niveau groupe et France.
Lors de la période de déconfinement, le calendrier des vacances estivales - avec probablement des changements liés à la crise sanitaire - sera un des points-clés à gérer.

Comment organiserez-vous le retour des collaborateurs sur les sites de l’entreprise ?

Il n’y aura pas plus de 20 % de notre effectif global sur les sites

Nous avons pris beaucoup de précautions. Une série de réunions a été organisée avec la médecine du travail pour préparer le terrain et bien cerner les enjeux sanitaires. Nous avons commencé à prendre plusieurs décisions :

  • Pendant plusieurs semaines, il n’y aura pas plus de 20 % de notre effectif global sur les sites : plusieurs en Ile-de-France dont le siège social français à Bois-Colombes, sites commerciaux, d’inspections et de back-office répartis en France. Comme ce fût le cas dans la période de confinement, les situations spécifiques des collaborateurs seront prises en compte ;
  • En avril, nous avons commandé 200.000 masques et des volumes importants de gel hydro-alcoolique pour le compte du groupe. Des masques sont mis à disposition à l’entrée des sites. Tout collaborateur est invité à en porter un en cas de déplacement au sein d’un bâtiment mais il n’est pas obligé d’en porter un à son poste de travail ;
  • Le flex office généralisé est abandonné et le principe est qu’un collaborateur reste sur son espace de travail en respectant les mesures de distanciation physique ;
  • Les amplitudes horaires de travail et d’accès aux locaux d’Aviva sont élargies pour fluidifier la circulation des collaborateurs. Le mix travail sur site et télétravail est proposé ;
  • Les salles de réunions sont reconfigurées à 50 % de leur capacité maximum et celles sans ouvertures vers l’extérieur sont fermées ;
  • Nous travaillons sur des protocoles d’aération des espaces de travail ;Nous avons effectué des marquages au sol pour éviter que les gens se croisent ;
  • Les petites tisaneries sont fermées pour privilégier les grands espaces de détente ;
  • Les ascenseurs dans nos immeubles s’arrêtent à chaque étage pour éviter d’appuyer sur les boutons. Certes, c’est plus lent et nous invitons les gens à prendre les escaliers ;
  • Le protocole de nettoyage des locaux est renforcé.

Quels outils technologiques privilégiez-vous dans le cadre du travail à distance ?

Nous travaillons avec beaucoup d’outils digitaux pour la communication (voix, vidéo, texte) comme WhatsApp (Faceook) ou Skype (Microsoft). Les fonctions vocales sont privilégiées pour éviter de mobiliser trop de bande passante. J’utilise aussi Webex (Cisco) pour les conférences vidéo.

Des protocoles de sécurité renforcés pour des profils spécifiques

En cette période de sécurité sanitaire renforcée, Aviva France a également porté une attention particulière vis-à-vis des inspecteurs et des agents Aviva sous un statut d’indépendant, assure Jean-François Ode.

• « Pour les inspecteurs en charge de visites pour examiner par exemple les sinistres sur les sites de nos clients, nous avons établi un 'droit de retrait'. Un inspecteur Aviva en déplacement peut l’évoquer si les protocoles de sécurité et les gestes barrières ne sont pas respectés dans l’enceinte de l’entreprise cliente. L’inspecteur peut quitter alors la réunion avec le client en avertissant sa hiérarchie de la situation. Cette décision a été prise chez Aviva après un souci de ce type rencontré par un autre groupe d’assurance. »

• « Pour les agents Aviva qui disposent de mandats pour vendre nos produits d’assurance dans des sociétés indépendantes, nous avons fait notre devoir de conseil sur la sécurité Covid-19. Fin avril, je me suis entretenu à ce sujet avec le président du syndicat des agents d’Aviva, en respectant l’indépendance des structures juridiques. Je lui ai transmis la liste des règles de sécurité que nous appliquons chez Aviva et un ensemble de documentations qui me semblaient importants de mettre à sa disposition. Nous restons en contact étroit pour échanger des informations utiles. »