Formation

Lycée professionnel : les 3 piliers de la réforme anti-NEET

Par Philippe Guerrier | Le | Droit de la formation

Début mai, le président de la République et le gouvernement ont présenté une réforme du lycée professionnel pour éviter le décrochage scolaire et rapprocher les formations et les besoins en compétences en entreprise.

Lycée professionnel : une réforme pour un filet de protection anti-NEET - © D.R.
Lycée professionnel : une réforme pour un filet de protection anti-NEET - © D.R.

L’un des principaux objectifs de la réforme des lycées professionnels présentée le 4 mai 2023 est clair : « Mieux accompagner chaque lycéen et lutter contre le décrochage ».

Le gouvernement renouvelle le dispositif anti-NEET (acronyme anglais de « Not in Education, Employment or Training ») qui vise à réduire la part des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. 

Selon l’Insee, 12,8 % des 15-29 ans se retrouvent sans emploi, sans diplôme et sans formation en 2021, soit 1,4 million de personnes concernées.

En novembre 2021, Jean Castex, Premier ministre à l’époque, et Élisabeth Borne, alors ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion dans son gouvernement, ont présenté les contours du Contrat d’engagement jeune (CEJ) qui s’est concrétisée en mars 2022 sous la forme d’une allocation - formation pouvant aller jusqu’à 500 euros par mois pour les décrocheurs déjà sortis du système scolaire.

Avec la réforme des lycées professionnels qui doit « redevenir une voie de choix pour les élèves », un autre angle d’attaque est initié pour « lutter contre le décrochage scolaire ». 

Lycées professionnels : quelques repères

• 621 600 lycéens ;
• 64 000 apprentis ;
• 72 900 enseignants ;
• 2100 établissements.

C’est l’un des 3 piliers de cette réforme avec :

  • L’amélioration de l’insertion professionnelle des élèves,
  • La reconnaissance du travail et de l’engagement des enseignants.

Amélioration de l’insertion professionnelle via l’adaptation des formations

Le parcours des lycéens professionnels - © D.R.
Le parcours des lycéens professionnels - © D.R.

Pour la rentrée de septembre 2023, il est prévu l’ouverture de 80 nouvelles formations pour plus de 1000 places dans des « filières d’avenir ».

  • Les formations qui ne permettant ni insertion professionnelle, ni poursuite d’études seront fermées ou transformées.
  • D’ici fin mai 2023, chaque établissement disposera de ses indicateurs d’insertion professionnelle et de poursuite d’études, des besoins actuels de son bassin d’emploi et des métiers en tension.
  • Des places dans des secteurs en tension aujourd’hui sur les territoires et répondant aux défis de demain, tels que l’énergie, le numérique, l’industrie, ou encore le bâtiment durable et les métiers du travail à domicile seront ouvertes.

Cette adaptation des formations dispensées par les lycées professionnels va de paire avec l’adaptation des diplômes. La révision des diplômes (CAP, baccalauréat professionnel et BTS) va être accélérée pour « mieux s’adapter à la transformation des métiers ».

Objectif : 50 diplômes rénovés en 2024, 100 diplômes en 2025.

Prévention contre le décrochage : renforcer le cadre de suivi

Création d’un dispositif « Tous droits ouverts »

Actif pour la rentrée 2023, il a vocation à servir de balise d’alerte pour un lycée professionnel pour :

  • signaler les premiers signaux de décrochage d’un élève,
  • de mobiliser les acteurs des politiques publiques d’accompagnement,
  • de proposer au jeune un parcours plus adéquat.

Parallèlement :

  • des « filets de sécurité » seront créés pour soutenir les lycéens diplômés sans solution qui cherchent un emploi à travers un suivi de conseillers Pôle emploi dans le cadre du dispositif « Ambition Emploi » ;
  • des parcours de consolidation seront expérimentés pour les élèves qui souhaitent approfondir davantage leurs connaissances pour accentuer les chances de réussir leur BTS.

Des conseils de vie et de carrière

  • Les élèves inscrits dans des lycées professionnels auront accès à un mentor s’ils le souhaitent. Cette démarche d’accompagnement sera systématisé d’ici 2025 sur la base du volontariat.
  • Les entreprises qui le souhaitent seront partie prenante dans cette démarche en permettant à des salariés de s’engager aux côtés d’élèves de lycée professionnel.

Une terminale sur-mesure

L’année de terminale sera plus souple selon les ambitions et projets de chaque lycéen.

  • Pour les élèves qui souhaitent s’insérer directement après leur bac, la durée des stages sera augmentée de 50 %.
  • Les autres qui poursuivent dans le supérieur auront 4 semaines de cours supplémentaires pour mieux préparer leur entrée en BTS.

Panel d’apprentissages optionnels plus large

  • Ce sera également opérationnel dès la rentrée 2023. Des cours optionnels seront ouverts au plus près des aspirations des élèves, par exemple des cours de langue vivante 2, de codage, d’entrepreneuriat, en association avec des partenaires extérieurs et des professeurs volontaires.

Offres de spécialisation

De nouvelles formations de spécialités seront créées pour permettre aux lycéens :

  • de se spécialiser dans un domaine,
  • de multiplier leurs chances d’être recrutés
  • de favoriser les contacts avec les entreprises qui recrutent.

Jonction plus fine entre lycées professionnels et le monde des entreprises

Toujours en prévision de la rentrée 2023, un bureau dédié à la relation aux entreprises sera ouvert dans chaque lycée professionnel afin de :

  • créer des partenariats avec les acteurs du territoire,
  • organiser des temps de stage en alternance,
  • intégrer la relation école/entreprise dans les parcours de formation,
  • participer à la préparation de l’offre de formation.

À la tête de ce bureau, en fonction des spécificités de chaque établissement, un enseignant sera engagé dans la relation école-entreprise ou une personne recrutée pour sa connaissance du monde du travail.

Des professeurs associés aux compétences dans les métiers d’avenir ou très spécifiques seront recrutés afin d’épauler les enseignants des lycées professionnels. 

Mise en place d’un système de gratification

La gratification financée par l’État pour les périodes de stages des lycéens professionnels vise à attirer les collégiens vers cette voie.

Transition de dispositif

• Aujourd’hui, un lycéen professionnel peut effectuer jusqu’à 5 mois de stage sans aucune gratification :
- entre 12 et 14 semaines pour un CAP en 2 ans,
- entre 18 et 22 semaines pour un bac pro.

• Demain (à partir de la rentrée 2023), toutes les périodes de stage des lycéens professionnels seront gratifiées par l’État. L’élève effectuera jusqu’à 6 mois de stage durant sa scolarité.

Conditions d’éligibilité 

  • Préparer un diplôme professionnel de niveau secondaire (CAP, bac pro, mention complémentaire, brevet des métiers d’art), ainsi que les lycéens professionnels engagés dans des FCIL (formations complémentaires d’initiative locale) à l’issue d’un CAP ou d’un bac pro ;
  • Être en cours de formation et inscrits dans des établissements publics ou privés sous contrat pour en bénéficier ;
  • Se montrer assidu à l’école comme en entreprise.

Montant de la gratification

  • 50 euros par semaine pour les lycéens professionnels inscrits en 1re année de CAP et en seconde du bac pro, soit 300 euros au total sur l’année ;
  • 75 euros par semaine pour les lycéens professionnels inscrits en 2e année de CAP et en première du bac pro, soit 600 euros au total sur l’année ;
  • 100 euros par semaine pour les lycéens professionnels inscrits en terminale du bac pro, permettant de recevoir une allocation de stage comprise entre 600 et 1200 euros au total sur l’année, selon le nombre de semaines de stages effectuées.

Un élève de lycée professionnel pourra recevoir jusqu’à 2100 euros de gratification sur un cycle de 3 années de formation en baccalauréat professionnel.

Un budget conséquent mis sur la table

« La transformation du lycée professionnel est décisive pour faire réussir la jeunesse et disposer des compétences d’aujourd’hui et à venir », a déclaré le président de la République Emmanuel Macron le 4 mai 2023 lors d’un déplacement dans un lycée de Saintes (Charente-Maritime) pour présenter la réforme du lycée professionnel.

Un milliard d’euros supplémentaires par an sera consacré à cette réforme qualifiée de « cause nationale ».

« Ce sont des moyens inédits donnés aux établissements avec des changements concrets visibles dès la rentrée prochaine. Ils seront ainsi mieux préparés à acquérir les compétences stratégiques qui permettront à notre pays de relever les défis des grandes transitions », a indiqué Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels.

Enseignants : vers une revalorisation

• Dès 2023, chaque professeur de lycée professionnel aura droit à une augmentation en fonction de son ancienneté qui variera entre 1100 euros et plus de 2600 euros net par an (correspondant à une fourchette de 100 - 230 euros par mois, sans condition).
• Les enseignants vont se voir confier de nouvelles missions comme le remplacement de courte durée des, cours dédoublés, de l’accompagnement individualisé…
• En cas d’engagement actif de leur part pour favoriser les liens entre lycées et entreprises, institutions, partenaires et tous les acteurs du service public pour l’emploi, tout professeur pourra prétendre à « une augmentation jusqu’à 7500 euros brut par an.
• La réforme prévoit aussi  »plus d’autonomie pour les proviseurs" avec des moyens budgétaires accrus.

Adaptation d’un article de News Tank RH diffusé le 04/05/2023. Pour accéder à l’offre découverte de News Tank RH.