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Négociations sur le temps de travail : que dit la loi Travail ?

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Promulguée et publiée le 9 août 2016, la loi El Khomri, en apportant d’importantes modifications au droit du travail, aura fait couler beaucoup d’encre… Principal point d’achoppement, un bouleversement en matière de hiérarchie des normes qui donne désormais la main à l’entreprise plutôt qu'à la branche pour négocier et conclure des accords qui vont aménager le temps de travail. Décryptage avec Maître Nicolas Dulac, avocat à la Cour et intervenant au sein de Francis Lefebvre Formations

Négociations sur le temps de travail : que dit la loi Travail ? - © D.R.
Négociations sur le temps de travail : que dit la loi Travail ? - © D.R.

Ce que dit la loi ?

La loi Travail bouscule quelque peu la hiérarchie des normes, telle qu’on la connaissait jusqu'à présent. « Sans véritable inversion, il existe désormais une possibilité pour les partenaires sociaux de négocier des accords d’entreprise portant sur la problématique spécifique de la durée du travail, des repos et des congés, en fixant un cadre qui peut être dérogatoire à une norme supérieure comme un accord de branche », explique Maître Nicolas Dulac. 

Sur certains points précis, il existe des normes minimales en dessous desquelles il ne sera pas possible de descendre. Par exemple, un accord d’entreprise ne pourra pas fixer une majoration des heures supplémentaires inférieures à 10 %. « Si l’on reste sur un palier légal, on peut tout de même arriver à un accord moins favorable à ce qui était prévu à un niveau supérieur, comme par exemple la branche », constate Maître Nicolas Dulac. Et d’ajouter : « Cette réforme de la durée du travail s’inscrit dans un mouvement de refonte complète du Code du Travail, puisque cette possibilité de déroger  » en local «  et ce de manière moins favorable aura vocation à s’appliquer pour tous les domaines de la négociation collective à compter du 1er septembre 2019. »

Fin 2018, un bilan de cette mesure sera en effet réalisé par les pouvoirs publics pour analyser les répercussions auprès des salariés et des entreprises des premières applications de la réforme.

Les conséquences de la loi

« Afin de renforcer la démocratie sociale de terrain, il est nécessaire de mettre en place des conditions d’adoption des accords jugées plus exigeantes », explique Maître Nicolas Dulac. Ainsi, une force d’engagement d’au moins 30 % des suffrages dernièrement recueillis lors des dernières élections professionnelles, qualifiée parfois par certains commentateurs de « majorité relative », ne suffit plus. Désormais, l’accord signé doit véritablement être majoritaire et les signataires représenter plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires (CE, DP, ou DUP), quel que soit le nombre de votants. « Cette condition de validité de l’accord, s’il passe cette première étape, entraîne de facto la disparition du droit d’opposition tel qu’on le connaissait auparavant. Les accords sont ainsi supposés reposer sur davantage de légitimité et permettre d’avoir le cas échéant une dérogation à une norme plus favorable », souligne Maître Nicolas Dulac.

Si l’accord n’obtient pas les 50 % et plus dès la signature, mais obtient au moins 30 % des suffrages recueillis en faveur des organisations syndicales représentatives, la loi Travail, a prévu dans son décret d’application du 20 décembre 2016 un dispositif spécifique. Ainsi, « l’un des syndicats signataires peut décider de lancer une procédure de référendum d’entreprise, dans un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord, afin de prendre clairement la température auprès des salariés », précise l’avocat. Si, dans les 8 jours qui suivent cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives qui décideraient d’ajouter leur paraphe, ne permettent pas d’atteindre plus de 50 % des suffrages, la consultation des salariés est organisée dans un délai de 2 mois. Si l’accord est plébiscité et obtient une majorité de suffrages, il sera alors valide et pourra rentrer en phase d’application. « Nous sommes en réalité en présence d’une double réforme : une réforme de la négociation collective qui sert à légitimer un bouleversement de la hiérarchie des normes, en matière de durée du travail pour le moment », conclut Maître Dulac.

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