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Empreinte Humaine : « Avec le confinement des salariés, le risque de détresse psychologique augmente »

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

Entretien avec Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine (conseil en QVT et RPS), s’inquiète du niveau élevé de détresse psychologique des salariés sur la foi d’une étude poussée. Après le confinement, le retour en entreprise ne sera pas évident.

Christophe Nguyen, Empreinte Humaine : étude RPS et confinement - © D.R.
Christophe Nguyen, Empreinte Humaine : étude RPS et confinement - © D.R.

Le retour en entreprise sera difficile, faute d’accompagnement.La crise Covid-19 et le confinement laissera des traces dans la gestion des ressources humaines en entreprise. Empreinte Humaine, cabinet spécialisé dans la promotion de la qualité de vie au travail (QVT) et la prévention des risques psychosociaux, a publié une étude avec OpinionWay sur la détresse psychologique liée à la conjoncture sombre actuelle et au confinement.

Voici quelques enseignements qui se distinguent :

  • 44 % des salariés sondés présentent de la détresse psychologique : 27 % vivent une détresse modérée et 18 % vivent une détresse élevée.
  • 22 % des femmes vivent une détresse élevée, contre 14 % pour les hommes ;
  • la performance des personnes concernée s’est dégradée de 50 % ;
  • les managers sont aussi concernés à hauteur de 20 % ;
  • 25 % disent travailler plutôt dans une pièce fermée, mais n'étant initialement pas dédiée au travail;
  • 60 % travaillent dans un salon.

Exclusive RH propose une synthèse de l’interview de Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine et psychologue du travail et des organisations, en partenariat avec News Tank RH.

Quels enseignements tirez-vous de votre étude sur la santé psychologique des salariés français et le confinement ?

Nous avions déjà recueilli des éléments à travers notre écoute et réalisé des webinaires avec les entreprises, les managers et les salariés sur le sujet des risques psychosociaux (RPS). Nous percevions déjà l’émergence de préoccupations anxieuses et de signes de détresse psychologique sur les trois premières semaines de confinement.
Nous allons prendre le pouls régulièrement, car nous savons que la durée de confinement est un facteur de détresse psychologique et que nous craignons que la situation se dégrade si nous ne prenons pas des mesures d’accompagnement. Nous évaluons le degré à partir de signes comme l’anxiété, l’agitation ou la fatigue mentale.
Ce niveau important est à surveiller, car les gens peuvent basculer vite d’un état « modéré » à « élevé ».

Si 56 % ne présentent pas de signaux de détresse psychologique, 25 % des salariés sont en risque de dépression nécessitant un accompagnement et un traitement.

Les femmes présentent une détresse psychologique plus importante que les hommes. En raison du confinement, de la gestion de la famille et de la répartition du travail à la maison, elles assument beaucoup plus de charges, quitte à mettre de côté des exigences professionnelles.
Dans notre étude, 25 % des personnes déclarent que rien n’est fait par les directions d’entreprises en termes de sécurité sanitaire et de RPS. Une certaine proportion des salariés n’a même pas conscience de leur état psychologique et beaucoup de managers ne savent pas comment gérer cette situation.

Quels seraient les signes de détresse psychologique lors du retour du salarié sur son lieu de travail ?

Par peur du Covid-19 et de ses effets, nous pourrions identifier plusieurs types de comportements traduisant une certaine souffrance psychologique :

  • Refus de retourner sur leurs lieux de travail;
  • Isolement au bureau ;
  • Apparition d’insomnie ;
  • Effet de panique ;
  • Apparition de flashs ou remémoration de situations traumatisantes ;
  • Risque de développer des phobies ;
  • Démotivation professionnelle qui se traduit par une baisse de performance.

Entre les personnes qui vivent le télétravail et/ou le chômage partiel, existe-t-il des situations plus stressantes ?

Nous pouvons considérer que le chômage partiel est plus stressant en raison de l’incertitude sur la pérennité du poste occupé. En revanche, ce sont les conditions dans lesquelles le télétravail s’exécute qui peuvent être une source de stress. Le télétravail associé à un mode de confinement est un facteur cumulatif de risque de détresse psychologique.
Il faut garder en tête que le télétravail associé à un mode de confinement - une organisation de travail non choisie - est un facteur cumulatif de risque de détresse psychologique en raison de la gestion familiale à assurer en parallèle.

La question de l’allongement de la durée de confinement est un facteur de RPS supplémentaire. Plus la période sera longue, plus les risques sont importants.

Si des actions de fond ne sont pas entamées sur la dimension des risques psychologiques, la situation sera de plus en plus compliquée à gérer. Nous aurions tort de croire qu’avec le déconfinement, nous n’aurons plus de détresse. Les gens seront marqués par cette situation.

Quels leviers de sécurité psychologique faut-il activer ?

Il faut adopter plusieurs approches :

  • Engager les comités de direction dans le processus de décision avec une politique de prévention et des ressources associées à ce plan. Cela ne peut pas se limiter à une affaire de consultants ou de médecine du travail. Le sujet de la santé doit être traité au même niveau que celui de la production et du business.
  • Ériger des méthodes d’accompagnement des personnes et de transition vers de nouvelles organisations de travail qui seront mises en place en entreprise avec le retour des salariés à leurs postes.

Quel est le rôle spécifique du DRH face à ces situations de détresse psychologique ?

Le DRH joue un rôle essentiel, mais il ne doit pas se sentir seul. Il apporte clairement une aide psychologique alors qu’il est extrêmement sollicité (tâches administratives avec le chômage partiel, gestion des paies, relations avec les salariés et la direction…).
Nous observons dans notre étude que les salariés se déclarent soutenus par les DRH à hauteur de 69 % et 80 % par leurs collègues. Mais je considère qu’il ne faut pas oublier que les DRH font eux-mêmes l’objet de détresse psychologique et que les mesures de protection doivent également les concerner.

Voici les recommandations d’Empreinte Humaine pour accompagner les entreprises.

Méthodologie de l’enquête Empreinte Humaine

• Sondage réalisé du 31/03/2020 au 08/04/2020 ;
• Échantillon : 2003 salariés, représentatif et constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d'âge, de secteurs d’activité, de nature d’employeur et de taille d’entreprise.

Synthèse réalisée avec l’appui de News Tank RH. Découvrez l’offre de contenus premium en abonnement découverte gratuit en cliquant ici.