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Titres-restaurant et gestion RH : ces grandes manœuvres qui vont bousculer le marché


Le gouvernement veut remodeler l’usage et la gouvernance de la gestion des titres-restaurant avec des mesures censées fluidifier le marché. Voici les principales mesures préconisées, sur fond de tensions entre émetteurs de titres-restaurant.

Titres-restaurant : les points d’impacts de la réforme dans la gestion RH et la gouvernance - © D.R.
Titres-restaurant : les points d’impacts de la réforme dans la gestion RH et la gouvernance - © D.R.

C’est l’avantages salarié le plus notoire en France : le titre-restaurant a été adopté par 5,5 millions de salariés. 243 000 commerçants sont agréés pour l’accepter.

Une vingtaine d’émetteurs de titres-restaurant se partagent ce marché de plus de 10 milliards d’euros avec des acteurs influents comme Edenred, Pluxee (spin-off de Sodexo), Swile/Bimpli (émanation de groupe BPCE), Up, une myriade de challengers (Resto Flash, WiiSmile, Worklife…) et des nouveaux arrivants en 2025 comme Mucho, Olenbee et Lucca, un SIRH qui vient de lancer sa propre carte de titre-restaurant.

Les DRH et les CSE doivent prendre du recul pour sélectionner le bon acteur dans cette offre pléthorique.

Cette effervescence crée des tensions concurrentielles sur le marché surveillé par l’Autorité de la concurrence qui a déjà pris des mesures de sanction financière contre 4 acteurs historiques en 2019 et a émis un avis au gouvernement en octobre 2023 pour « rééquilibrer les rapports de force sur le marché et de mettre en place une régulation adaptée du secteur ».

Cela ne suffit pas : les contours de ce marché demeurent flous : régulation, usages, évolution des modèles économiques et des technologies. Ils nécessitent à la fois un recadrage réglementaire et une souplesse accrue dans les usages.

« Si, en presque 60 ans, ce dispositif a su faire ses preuves, il ne s’en retrouve pas moins confronté à des défis de taille auxquels il devient urgent de répondre. En janvier dernier, je me suis donc engagée, devant le Parlement, à mener une réforme de fond du titre-restaurant », déclare Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire.

Le 26 juin, au nom du gouvernement, elle a proposé 12 mesures pour :

  • « répondre de manière pérenne aux problèmes récurrents auxquels le titre se confronte ;
  • encourager à la consommation sans retirer la dimension solidaire du titre ;
  • moderniser le titre-restaurant et sa gouvernance pour les inscrire dans leur temps. »

La réforme sera « prochainement présentée devant le Parlement », sans autres précisions en l’état actuel.

Voici les principaux points à surveiller :

Côté utilisateur

Dématérialisation du titre-restaurant : le 100 % à l’horizon mars 2027

Régulièrement repoussée en raison de l’instabilité politique, la fin du titre-restaurant papier devrait pourtant se concrétiser. Le gouvernement appelle à une dématérialisation à 100 % à compter du 1er mars 2027. Le mouvement a été largement anticipé par les acteurs du marché qui ont avancé de leur côté. Mais il reste quand même entre 20 % et 25 % du marché en distribution papier.

Extension des usages

Le gouvernement souhaite également élargir l’usage des titres-restaurant avec la possibilité de :

  • d’acheter tous produits alimentaires ;
  • de recourir aux titres-restaurant tous les jours de la semaine, y compris le dimanche.

Fin du millésime

Un titre-restaurant émis est valable un an (c’est le millésime). En fin d’échéance, le salarié peut échanger ses titres de l’année N contre ceux de l’année N + 1. La tendance à la dématérialisation a rendu ce renouvellement des titres quasi-automatique. Avec un effet dérivé : une tendance à la thésaurisation du titre-restaurant (29 % des salariés ont plus de 100 euros sur leur compte de titres-restaurant).

Le gouvernement veut limiter le millésime à un an, non renouvelable.

Côté entreprise

Interdiction des remises de fin d’année (RFA)

C’est un biais de marché. Afin d’obtenir d’importants marchés, plusieurs émetteurs octroient des remises de fin d’année (RFA) à certains clients dits « grands comptes ».

Cela permet à ces grands groupes de bénéficier des services des émetteurs pour un coût très résiduel. Mais, ces pratiques renchérissent le coût du dispositif pour les commerçants et déséquilibre le jeu de la concurrence.

Le gouvernement veut mettre un terme à la pratique des RFA.

Côté régulation

Dématérialisation de la procédure d’agrément pour les commerçants

Cela paraît anachronique en 2025. À ce jour, les commerçants doivent demander un agrément auprès de la commission nationale des titres-restaurant (CNTR) pour pouvoir accepter les titres. Cette procédure est composée d’un dossier à envoyer à la CNTR… en papier. L’objectif de la réforme serait de remplacer la procédure d’agrément par un régime d’enregistrement complètement dématérialisé.

Habilitation des émetteurs de titres-restaurant

En l’état actuel, la situation est étonnante alors que l’on parle d’un marché à 10 milliards mais il n’existe pas de reconnaissance officielle des émetteurs de titres-restaurant. Le gouvernement souhaite une clarification du panorama des acteurs qui évoluent sur ce marché avec la mise en place d’une procédure d’habilitation des émetteurs de titres-restaurant.

Suppression de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR)

Avec la tendance à la remise à plat de l’agencification (trop d’agences publiques jugées inefficientes) décriée par une récente commission d’enquête du Sénat, le gouvernement demande la suppression pure et simple de la CNTR, « tout en préservant un espace dédié au dialogue social entre cofinanceurs du titre-restaurant ».

CoReCT tente d’organiser la résistance

La colère monte d’un cran parmi les entrants sur le marché des émetteurs de titres-restaurant.

• À travers le Collectif pour le Rééquilibrage des Commissions Titre-restaurant (CoReCT), 5 nouveaux acteurs lancent un collectif pour « libérer un marché verrouillé et injuste » : Lucca, Worklife, Contakt, Coup de pousse et Ekip.
• Ils s’opposent au modèle des commissions pratiquées par les acteurs historiques du marché des émetteurs des titres-restaurant : Swile, Edenred, Pluxee et UpCoop.
• La création de ce collectif a été annoncée juste avant les annonces de réforme émanant du gouvernement. Objectif de CoReCT : « mettre fin aux pratiques opaques et aux déséquilibres du marché ».

Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines