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Stimulus (confinement, télétravail) : « Les sujets d’anxiété se surajoutent au risque sanitaire »

Le | Bien-être au travail

Karen Pariente, responsable des activités du pôle Care Services chez Stimulus Conseil (santé psychologique au travail), aborde les risques de pertes de repères des télétravailleurs sur fond de confinement à cause du Covid-19.

Stimulus (confinement, télétravail) : « Les sujets d’anxiété se surajoutent au risque sanitaire »
Stimulus (confinement, télétravail) : « Les sujets d’anxiété se surajoutent au risque sanitaire »

Vous avez récemment organisé un webinaire pour les entreprises face à l’intensification du coronavirus en France. Depuis les annonces du Président de la République, la situation prend-elle une autre ampleur ?

En effet, l’objectif de ce webinaire était de permettre aux entreprises de :

  • Comprendre en quoi et comment une telle épidémie pouvait toucher émotionnellement parlant les personnes ;
  • Analyser les réactions qui pouvaient apparaître et les comprendre ;
  • Ne pas se laisser gagner par la panique, dépassé et gouverné par des émotions comme l’angoisse ou la peur.

La grande majorité des Français se retrouve à rester chez elle, avec des conditions plus ou moins confortables, avec une privation de liberté et une situation qui pourrait s'étaler sur plusieurs semaines.
Sur le plan psychique, au-delà d’un certain nombre de jours (en moyenne autour d’une dizaine de jours), nous verrons apparaître chez certaines personnes un certain nombre de conséquences psychologiques :

  • la dépression ;
  • un moral à la baisse ;
  • des difficultés à se projeter dans l’avenir.

Nous sommes aujourd’hui au tout début du processus : les gens sont à la fois dans la sidération ou en pilotage automatique en se ravitaillant à outrance. Mais dès que nous passerons le cap des annonces et des réactions très actives, et qu’on s’installera dans le temps, cela risque de devenir compliqué pour certaines personnes. Le fait d’avoir été un peu ou beaucoup désocialisé ne sera pas si facile à dépasser. Et quand la situation reviendra à la normale, nous constaterons chez certains, des difficultés à remettre le pied dans un quotidien confortable. Le fait d’avoir été un peu ou beaucoup désocialisé ne sera pas si facile à dépasser pour retrouver des habitudes de vie un peu plus normales.

Quels sont les profils à risques ? Ceux avec des fragilités psychologiques ?

Cela dépend des fonctionnements psychologiques, des fragilités, failles …Tout est lié à ce que nous sommes, à notre parcours de vie et à notre environnement. Être confiné chez soi, mais avec un entourage, ne met pas dans les mêmes conditions que si l’on est relativement isolé socialement. Il y a tout un tas de conditions sociales et environnementales qui joueront sur la manière dont chacun traversera cette période. Cela dépendra aussi de la possibilité et capacité des uns et des autres à pouvoir maintenir une activité, notamment professionnelle. Être actif, continuer à se dépenser et à se sentir utile, tout cela protège des éventuels effets dépressogènes.

L’activité partielle, le télétravail, la garde des enfants tout en travaillant … ces nouveaux modes de vie et de travail ont-ils aussi des incidences psychologiques ?

Probablement oui, mais pas tous ces dispositifs de la même manière. Ne plus pouvoir maintenir son travail à domicile à cause de l’incompatibilité avec la garde d’enfant ou l’activité partielle font émerger des craintes qui se surajoutent. Nous les entendons, dans les différents dispositifs d'écoute et d’accompagnement que l’on peut avoir avec des entreprises.
Les sujets d’anxiété viennent se surajouter au risque sanitaire. Les personnes qui ne sont pas éligibles au télétravail sont probablement en train de se demander ce qu’elles vont devenir sur le plan professionnel et l’impact à moyen, voire long terme, sur le maintien de leur activité.
Quand une situation d’incertitude est liée à des craintes, nous avons plutôt tendance à avoir des scénarios pessimistes. C’est là où toutes les informations qui peuvent être données au fur et à mesure au sein d’une entreprise sont importantes pour ménager l’impact de cette crise : être clair et exhaustif sur les cas de figure et les actions mises en place.

Que conseillez-vous aux entreprises alors que les salariés sont parfois à distance ?

La crainte véhiculée pour le télétravail est une moindre productivité. Alors que de nombreuses études révèlent que c’est le contraire. Quand les salariés travaillent de chez eux, ils ont plutôt tendance à gommer les limites entre la vie personnelle et professionnelle : ne pas maintenir des horaires, ne pas faire des pauses régulières, ne pas prendre le temps pour le déjeuner, etc.
Les conseils d’organisation de son temps de travail à domicile permettent de travailler dans de bonnes conditions en termes de confort, d’hygiène mentale, et d’efficacité. Ces conseils de bon sens peuvent être partagés avec le management et celui-ci peut être le relais de ces bonnes pratiques en se les appliquant à eux-mêmes aussi. Le maintien du lien à distance est aussi possible avec les nouvelles technologies.
Le fait d’acter et d’accepter que l’activité puisse en être, au moins en partie impactée, me semble aussi nécessaire pour que les salariés se sentent suffisamment pris en compte. Continuer de fonctionner exactement de la même manière y compris en termes de productivité, de résultats et parfois de qualité est une démarche peu réaliste.
Le déni, nous pouvons le constater aussi sur le collectif. Il ne permet pas à un individu ou à une structure de continuer à fonctionner de manière efficiente sur la durée. Si nous ne prenons pas objectivement tous les déterminants d’une réalité, y compris à la mesure du fonctionnement d’une entreprise, celle-ci ne peut fonctionner dans une situation de crise, de manière la plus efficiente possible.

Quels sont les signaux d’alerte faibles pour les entreprises ?

Tout changement notable par rapport à des habitudes de fonctionnement peut a minima interpeller et inciter à prendre des nouvelles de manière un petit peu plus rapprochée. Dans la manière d'échanger par mail, par exemple, un salarié qui est très actif et qui le serait moins, pourrait interpeller et donner l’envie de creuser. Le fait d’avoir des échanges plus restreints avec un vocabulaire, soit un peu plus pauvre, ou connoté négativement, peut mettre la puce à l’oreille au manager. Avec un contact vidéo, l’apparence peut être un bon signal d’alarme. Il ne s’agit pas non plus de conclure que si une personne est habillée de manière confortable, c’est qu’elle ne va pas bien. L’impact sur le travail en lui-même, en quantité, ou qualité peuvent aussi avoir un lien avec l'état de santé.

Quelles sont les attentes des entreprises ?

Soit nous sommes au cœur de notre métier : l'écoute, l’accompagnement, le soutien psychologique, soit nous aidons l’encadrement, les directions et le management à faire face aux changements des modes d’organisation du travail, comme les bonnes pratiques pour la mise en place du télétravail, ou pour les outiller sur la bonne manière de gérer des personnes en détresse eu égard à cette crise sanitaire.

(Extrait de l’interview réalisée par News Tank RH : lire l’intégralité en accès libre)

10 conseils à suivre pour bien vivre le confinement

En complément, Frédéric Chapelle, psychiatre et Directeur médical de Stimulus Conseil, propose 10 conseils à suivre pour bien vivre le confinement et maintenir une bonne santé psychologique.
Rendez-vous sur le lien direct : https://vimeo.com/399823855