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Loi Macron : ce qui va changer

Le | Législation paie

Après 7 mois et plus de 400 heures de débats parlementaires, 2 329 amendements, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et ses 308 articles auront fait couler beaucoup d’encre… Publiée au Journal Officiel le 7 août 2015, qu’est-ce que la loi Macron va-t-elle réellement changer au droit du travail et à la vie quotidienne des DRH ? Travail dominical, licenciement et Prud’hommes, épargne salariale… ExclusiveRH.com a choisi de s’intéresser à trois thématiques bien précises en sollicitant l’avis d’avocats spécialistes de la question. Tour d’horizon des principales nouveautés…

Loi Macron : ce qui va changer - © D.R.
Loi Macron : ce qui va changer - © D.R.

1 - Travail dominical et soirée : les points à retenir

A travers cette nouvelle mesure, le projet de loi Macron tente d’apporter des solutions nouvelles à un dossier très controversé : l’ouverture dominicale et en soirée des commerces. Focus sur les évolutions à venir.

-        Des zones réservées

Le texte prévoit la création de trois zones dans lesquelles le travail du dimanche et le travail en soirée seront autorisées. Tout d’abord, les zones touristiques internationales (article 242) qui sont définies par leur rayonnement international, l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France, sans oublier l’importance de leurs achats. L’article 243 crée, quant à lui, les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes. Enfin, l’article 244 met en place des zones commerciales qui remplacent les Puce (Périmètres d’usage de consommation exceptionnelle) dont les critères sont élargis aux zones dans lesquelles il y a « une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière ». En dehors de ces zones, le travail dominical et en soirée sera également autorisé dans douze gares considérées comme à forte affluence.

-        Le travail en soirée

Les commerces de détail situés dans les zones touristiques internationales pourront employer des salariés entre 21 heures et 24 heures sur la base du volontariat, lorsqu’ils sont couverts par un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise, d'établissement ou territorial. Cet accord doit prévoir la mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur afin que le salarié regagne son domicile, la compensation des charges liées à la garde des enfants, sans oublier la possibilité pour un salarié de changer d’avis par rapport à l’évolution de sa situation personnelle.

-        Les dimanches du maire

Jusqu’à présent fixés au nombre de 5, les maires peuvent désormais autoriser l’ouverture des commerces jusqu’à 12 dimanches par an (article 250). La liste de ces dimanches devra être arrêtée avant le 31 décembre pour l’année à venir. Les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure à 400 m2 seront, quant à eux, limités à 9 dimanches par an.

-        Un principe unique : le volontariat

Dans tous les cas, seuls les salariés volontaires pourront travailler le dimanche et en soirée. Il incombe ainsi à l’employeur de recueillir sa décision par écrit. Un repos compensateur équivalent en temps doit lui être accordé, et une compensation salariale est obligatoire.

-        Le calendrier de mise en place :

Les dimanches du maire sont fixés à 9 dès 2015, et à 12 à compter de 2016. Les mesures réglementaires concernant le travail le dimanche dans les zones touristiques internationales devraient, quant à elles, entrer en vigueur d’ici la fin du mois de septembre, et dans les gares d’ici la fin octobre.

Le point de vue d’Angéline Duffour, avocate associée au sein du cabinet Cohen & Gresser :

« Ces nouvelles mesures devraient avoir un impact positif sur la vie de beaucoup d’entreprises et le travail des DRH car elles visent à clarifier et à simplifier les règles concernant le travail le dimanche et en soirée. Le rôle majeur d’un DRH étant d’accompagner le développement de l’activité opérationnelle d’une entreprise et de proposer des solutions adaptées, ce dispositif va offrir à certaines entreprises plus de flexibilité en termes de temps de travail et de jours d’ouverture. Qu’il s’agisse du travail dominical ou en soirée, le succès de la mise en place de ces nouvelles règles passera cependant par la concertation avec les partenaires sociaux et le volontariat. »

 

Stéphanie Marpinard

2 - Licenciement et Prud’hommes : les nouveautés

Si le Conseil constitutionnel a retoqué plusieurs articles de la loi Macron visant à réformer la justice Prud’homale et le plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse, une série de mesures a tout de même été adoptée. L’objectif ? Simplifier et accélérer les procédures. Etat des lieux de ce qui va réellement changer.

-        La conciliation facilitée

L’article 258 de la loi propose d’adapter et d’accroître le rôle du Bureau de conciliation qui devient le Bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Lorsque le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire, il est désormais possible de recourir à une procédure accélérée, après accord des parties, en renvoyant l’affaire devant le bureau de jugement dans une formation restreinte, composée uniquement d’un juge employeur et d’un juge salarié. Ce dernier devra alors statuer dans un délai de 3 mois. Autre nouveauté, le BCO a également la possibilité de renvoyer directement le dossier devant le juge départiteur afin d’accélérer la procédure.

-        Un statut de défenseur syndical

En lui offrant la qualité de salarié protégé, la loi Macron renforce le statut de défenseur syndical. Ainsi, au sein des entreprises de plus de 10 salariés, ces derniers peuvent désormais consacrer jusqu'à 10 heures par mois à cette mission. Ces heures doivent être assimilées à du temps de travail effectif et être rémunérées par l’employeur. Celui-ci sera ensuite remboursé par l’Etat. Le défenseur syndical bénéficie d’une protection contre le licenciement et son contrat de travail ne peut s’interrompre qu’après accord de l’inspection du travail.

-        Création d’un référentiel d’indemnités

Dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la loi prévoit la création d’un référentiel à titre indicatif des indemnités en fonction notamment de l’ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Les conseillers prud’homaux pourront, s’ils le souhaitent, se baser sur ce référentiel, permettant ainsi de créer une certaine harmonisation des décisions rendues en France. Les décrets d’application sont prévus pour octobre 2015.

-        Un barème des indemnités retoqué, mais pas enterré

Devant l’ire des syndicats de salariés, les Sages ont tranché et ont censuré la mise en place d’un barème plafonnant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le texte initial prévoyait, en effet, que les indemnités accordées par le Conseil de Prud’hommes soient, dans ce cadre, fixées en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.

S’il ne rejette pas le principe d’un barème plafonné, le Conseil constitutionnel retoque le barème des indemnités prud’homales calculées selon la taille de l’entreprise en raison de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi. Le gouvernement ayant d’ores et déjà annoncé son intention de revoir sa copie, une nouvelle version modifiée de ce barème qui ne tiendrait compte que de l’ancienneté du salarié pourrait rapidement voir le jour.

Le point de vue d’Angéline Duffour, avocate associée au sein du cabinet Cohen & Gresser :

« En matière de licenciement économiquela loi Macron vient enfin mettre un terme à certaines incohérences longtemps décriées. La principale mesure en ce domaine est relative aux critères d’ordre de licenciement. Elle donne désormais la possibilité aux entreprises de définir les critères d’ordre du licenciement à un niveau inférieur à celui de l’entreprise. Un DRH peut ainsi, de manière unilatérale et sans recourir à l’accord d’entreprise nécessitant l’accord des syndicats, fixer les critères d’ordre uniquement au niveau de la zone emploi. Autre mesure de simplification pour les DRH : il appartient désormais au salarié dans le cadre d’un licenciement pour motif économique de se manifester lorsqu’il est intéressé par un reclassement à l’étranger, dispensant ainsi l’entreprise d’adresser au préalable au salarié le questionnaire de reclassement à l’étranger. »

Stéphanie Marpinard

3 - « Avec la mise en place de la loi Macron, les SIRH vont devoir s’adapter », Tiphaine Bardou, Cegedim SRH

Cegedim SRH, spécialiste des solutions et des services RH, mobilise depuis plusieurs mois ses équipes afin d’accompagner ses clients dans la mise en place des nouvelles mesures instaurées par la loi Macron. Tiphaine Bardou, juriste droit social et paie au sein de Cegedim SRH, fait le point sur la question.

Quel va être l’impact de la loi Macron sur la paie ?

Au niveau des SIRH, les nouvelles mesures vont impacter trois rubriques : la paie, la gestion des temps et des activités (GTA) et le portail RH. Ainsi, la mise en place d’une mesure telle que le travail en soirée aura à la fois des répercussions sur le logiciel de paie et sur la GTA. En effet, les salariés travaillant en soirée bénéficieront au moins du double de leur rémunération, ainsi que d’un repos compensateur équivalent.

Autre exemple : les étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur disposent d’un congé de 5 jours ouvrables pour passer leurs examens. Cette nouvelle mesure impacte le SIRH et plus précisément le portail RH qui devra intégrer cette nouvelle option lors de la prise de congés. Avec la mise en place de la loi Macron, les logiciels de paie vont donc devoir s’adapter et prendre en compte toutes ces nouveautés.

Quelle est selon vous la mesure qui aura le plus d’effets positifs sur la vie de l’entreprise et celle qui sera le plus difficilement applicable ?

Pour moi, les mesures concernant l’allègement des charges patronales sur l’épargne salariale vont avoir des effets positifs sur la vie de l’entreprise et des salariés. La loi prévoit, notamment, que le forfait social soit fixé à 8 % au lieu de 20 % pour les TPE qui mettent en place pour la première fois un dispositif d’épargne salariale. On peut donc présumer que cet abaissement incitera les TPE à négocier des accords d’intéressement ou de participation.

Concernant la mesure la plus difficile à appliquer, les écueils rencontrés vont dépendre du secteur d’activité, de la taille, mais aussi du niveau d’équipement de l’entreprise en termes d’outils SIRH. Ainsi, une entreprise ne possédant pas d’outil GTA rencontrera certainement plus de difficultés à appliquer les nouvelles dispositions relatives au travail du dimanche qu’une entreprise travaillant déjà avec cet outil. De manière plus générale, la principale difficulté résidera dans la gestion de la conduite du changement liée à ces nouvelles directives. 

Que propose Cegedim SRH pour accompagner ses clients dans la mise en place de ces nouvelles mesures ?

Nous proposons une information juridique de qualité rappelant les nouveautés légales et l’impact de celles-ci sur le paramétrage de nos solutions. Pour répondre aux besoins croissants de nos clients,  nous proposons  également un accompagnement personnalisé  et  l’ouverture d’une hotline juridique.

D’un point de vue plus technique, l’ensemble de ces nouvelles règles sera totalement automatisé dans le paramétrage de notre logiciel. Dans un cadre légal de plus en plus mouvant, la loi Macron est bien un nouvel exemple d’un besoin croissant d’expertises pointues. En confiant la gestion à un spécialiste réactif, les entreprises disposent d’un back-office SIRH à jour les déchargeant ainsi de la complexité des nouvelles mesures et leur permettant de se recentrer sur leur cœur de métier.

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4 - Epargne salariale, participation et intéressement : ce qu’il faut savoir

Si la révolution promise n’a pas eu lieu, la loi sur pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques présente tout de même quelques modifications importantes en matière d’épargne salariale, de participation et d’intéressement. L’objectif ? Simplifier les dispositifs existants et inciter les petites entreprises à mettre en place de tels dispositifs. Focus.

-        Une meilleure harmonisation

Les dates de versement de l’intéressement et de la participation sont harmonisées. Le versement doit désormais avoir lieu le dernier jour du 5e mois après la clôture de l’exercice, soit par exemple le 31 mai pour une clôture au 31 décembre. 

-        Un forfait social allégé

Pour les entreprises de moins de 50 salariés qui concluent pour la première fois un accord d’intéressement ou de participation, le forfait social est abaissé de 20 % à 8 % pendant 6 ans. Les sommes provenant de l’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’entreprise) qui sont transférées sur un Plan d’épargne collectif pour la retraite (Perco) seront également moins taxées au niveau de l’entreprise. Ainsi, dès lors que ces Perco investissent dans des PME et ETI, le forfait social passe de 20 % à 16 %.

-        Des procédures simplifiées

Les branches professionnelles doivent d’ici au 30 décembre 2017 négocier un accord d’intéressement et de participation. Les entreprises ayant franchi le seuil de 50 salariés seront, quant à elles, dispensées de conclure un accord de participation pendant 3 ans si elles ont déjà mis en place un accord d’intéressement. 

-        Aménagement du PEE

La loi Macron prévoit que lorsqu’un Plan d’épargne entreprise existe, c’est le règlement du plan qui fixera les conditions dans lesquelles les sommes seront automatiquement affectées sur ce plan. Cette disposition entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2016.

-        Amélioration du Perco

En l’absence de Compte épargne temps au sein de l’entreprise, un salarié peut désormais transférer 10 jours de ses congés payés non pris sur son Plan d’épargne pour la retraite collectif.  La contribution de 8,2 % sur la part d’abondement supérieure à 2 300 euros versée dans le Perco à compter du 1er janvier 2016 est, quant à elle, supprimée. Enfin, il est désormais possible de mettre en place un Perco par voie de ratification à la majorité des deux tiers du personnel.

-        L’actionnariat encouragé

Les sociétés peuvent désormais distribuer des Bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) aux salariés de leurs filiales, si ces dernières sont détenues à au minimum 75 % par la société mère.

Le point de vue d’Angéline Duffour, avocate associée au sein du cabinet Cohen & Gresser :

« La simplification des dispositifs d’épargne salariale et d’actionnariat salarié a avant tout pour objectif de les rendre plus attractifs auprès des petites entreprises et des start-up. Les modifications des délais de versement, les allègements sociaux et la mise en place de nouveaux mécanismes de calculs vont nécessairement impacter la gestion annuelle de ces dispositifs au sein des entreprises. J’invite donc, dès aujourd’hui, les entreprises à bien se tenir informées de ces nouveautés et des décrets d’application qui devraient rapidement rentrer en vigueur. »

Stéphanie Marpinard

5 - « La loi Macron devrait apporter plus de simplicité dans la gestion de certains thèmes des ressources humaines », David Jonin

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances modifie un certain nombre de dispositions du droit du travail. Quelles seront les conséquences de ces nouvelles mesures sur la fonction RH ? Le point avec David Jonin, associé spécialisé en droit du travail et en droit de la protection sociale au sein du cabinet Gide, qui a accepté de répondre à nos questions.

Quelles vont être les conséquences de la mise en place de la loi Macron pour la gestion des ressources humaines au sein des entreprises ?

La loi Macron devrait simplifier la gestion de certains thèmes des ressources humaines, comme, par exemple, les règles de fonctionnement du CHSCT, à l’instar de ce qui existe déjà pour le CE. Jusqu’à maintenant, lorsque le dialogue social n’était pas bon, le secrétaire du CHSCT refusait la plupart du temps de signer le projet d’ordre du jour. Depuis la publication de la loi Macron, les ordres du jour du CHSCT peuvent être fixés unilatéralement par l’employeur lorsqu’il porte sur des sujets de consultation obligatoire ce qui devrait réellement simplifier la vie des DRH. D’autres mesures concernant la sécurisation des entreprises en matière de procédures de licenciement collectif ou l’assouplissement des règles de renouvellement des contrats à durée déterminée et des contrats de mission devraient également faciliter le quotidien des RH.

A partir de quand les différentes mesures vont-elles être mises en œuvre ?

Il faut désormais attendre la publication des décrets d’application pour que ces nouvelles mesures puissent être appliquées. Le gouvernement souhaite publier l’intégralité des décrets d’application rapidement, entre septembre et décembre 2015. Concernant le travail du dimanche, les premiers décrets d’application devraient être publiés dès le mois de septembre.

Comment les DRH peuvent-ils aujourd’hui se préparer à cette mise en place ?

Le gouvernement s’étant engagé à recueillir un maximum d’avis avant de finaliser la rédaction de ces décrets d’application, les DRH ont aujourd’hui intérêt à se rapprocher des organisations patronales afin de leur transmettre leurs observations ou commentaires avant la publication de ces décrets.

Quelle mesure aura, selon vous, le plus de répercussion sur la vie des entreprises ?

Je pense que la mesure permettant de renouveler un CDD deux fois au lieu d’une seule devrait avoir un véritable impact. Dans le contexte économique actuel et compte tenu du caractère relativement strict de notre législation en matière de licenciement, les entreprises exploitent au maximum les possibilités de travail temporaire, ce qui, au final, est bénéfique au marché de l’emploi.

Que pensez-vous des mesures qui ont été retoquées par le Conseil constitutionnel ?

La principale mesure retoquée porte sur le barème d’indemnités de licenciement. Le gouvernement a pris acte de la censure faite par le Conseil constitutionnel et prépare une nouvelle mouture du texte. Ce principe de plafonnement ne me semble pas à proscrire. Les entreprises et, derrière elles, les investisseurs ont aujourd’hui besoin de sécurité juridique. D’autre part, le texte qui a été censuré par le Conseil constitutionnel contient tout de même de très nombreuses exceptions.

Selon vous, la loi Macron est-elle un atout ou un inconvénient pour un DRH ?

Je pense que la loi Macron, ainsi que la loi Rebsamen sur le dialogue social, contiennent des évolutions significatives en faveur d’une simplification du droit du travail. Bien évidemment, nous sommes encore loin d’un code du travail simple, celui-ci restant encore un épais empilement de textes. J’incite également les DRH à être prudents et à ne pas accorder aux dispositions nouvelles un champ d’application plus large que celui qui est exactement prévu par le texte.

Stéphanie Marpinard