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Appli CPF : « L’appli nous permet de retrouver notre ADN de start-up » A. Portanelli

Le | Droit de la formation

Le 21 novembre 2019, tenant le calendrier annoncé, la Caisse des Dépôts ouvrait l’appli CPF. Cette application mobile, un outil central de la nouvelle loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, doit permettre à chaque salarié de choisir et réserver ses formations, financées par son Compte Personnel de Formation. 100 000 formations sont déjà accessibles aux 33 millions d’actifs en France.

Pour les organismes de formation, cette appli CPF est au centre de toutes les attentions depuis des mois. Formidable opportunité ? Concurrence déloyale ? Les éléments de réponses avec Arnaud Portanelli, co-fondateur et co-gérant de Lingueo.

Appli CPF : « L’appli nous permet de retrouver notre ADN de start-up » A. Portanelli
Appli CPF : « L’appli nous permet de retrouver notre ADN de start-up » A. Portanelli

Avez-vous déjà des clients via l’Appli CPF ?

Nous sommes le premier organisme de formation à avoir fait entrer une stagiaire en formation car nous avons eu notre première cliente le 20/11/2019 à 20h08, soit la veille du lancement officiel, car l’Apple store avait lancé l’Appli. Nous avons pu, ainsi, tester tout le processus mais nous ne l’avons annoncé nulle part pour ne pas brouiller la communication du Gouvernement. Dès le 21/11/2019, à 7h00 du matin, nous avons eu nos autres clients, notamment des clients en recherche d’emploi. Le jour du lancement officiel, nous avons même eu une personne dont le compte a été abondé par son entreprise à hauteur de 700 euros. Ce client a mobilisé 1.300 euros sur son compte pour un coût de formation total de 2.000 euros.

Quel est le profil de votre première cliente ?

C’est une personne dont le dossier a été refusé à plusieurs reprises par son Opca, elle était lassée par cette situation. Elle est dans la cible que ce que le Gouvernement attend. C’est une femme déjà en poste, avec une volonté de mobilité qui voulait une formation en anglais commercial pour changer de carrière. Le coût de cette première formation validée s’élève à 2.000 euros.  

Comment s’effectue la transaction ?

Très simplement. L’individu utilise son téléphone pour trouver sa formation en utilisant le moteur de recherche. Si c’est un client qui nous a identifié en amont, il y a un lien qui lui permet d’arriver directement sur la formation qui l’intéresse ou qui lui a été conseillée. Il clique ensuite sur « S’inscrire à cette formation » et de notre côté, nous recevons une nouvelle fois sa demande.

Ce sont des process qui pourront être simplifiés plus tard, je l’espère, lorsque la CDC mettra en place des API, mais pour l’instant, nous devons revalider une seconde fois le document envoyé au futur stagiaire.

Le stagiaire reçoit une validation qu’il doit revalider et à ce moment-là, nous recevons une alerte par e-mail qui nous informe de la réussite du processus. Nous retournons sur la plateforme pour déclarer manuellement que la formation a été activée et nous en ferons de même quand elle prendra fin.

L’Appli CPF, c’est mieux ?

Cette Appli nous permet de retrouver notre ADN de start-up et d’être en permanence en contact avec nos clients. Le Gouvernement a fait un pari osé et réussi. Si certaines personnes n’arrivent pas à accéder à la formation qu’ils souhaitent, c’est parce que le moteur de recherche est encore un peu compliqué, mais l’ergonomie de l’Appli est simple, même si certains points peuvent être améliorés. C’est un beau projet.

Contrairement à ce que beaucoup de gens disent, l’Appli tourne très vite. Les dossiers peuvent aujourd’hui être traités rapidement, c’est merveilleux ! Entre le moment où le client prend contact avec nous et celui où il entre en formation cela ne prend plus trois mois…

Notre taux d’accord de prise en charge était de l’ordre de un à trois mois. Cela posait des problèmes dans la perdition des dossiers, notamment en termes de temps à donner à la formation ou de motivation.

Avec l’Appli, nos clients se prennent en charge et il faudra que nos services soient suffisamment de qualité pour les conserver dans le temps.

Craignez-vous des baisses de réalisation de la formation ?

C’est une chose que l’on verra dans les prochains temps. Avant, nous ne formions que des clients capables d’attendre 3 mois l’accord pour se former et nous étions payés entre un et trois mois après la fin de la formation, soit 1 an après le premier contact avec le client. Les clients étaient patients. Aujourd’hui, nous risquons d’avoir un volume plus important de clients, avec un panier moyen plus bas -on ne va pas se mentir- du fait de la concurrence.

Pour faire un même volume d’affaires, Lingueo devra compter plus de clients, et il faudra que nous les conservions.

Que proposez-vous pour que les stagiaires terminent leur formation ?

Nous proposons des cours en visioconférence avec des formateurs tous diplômés pour enseigner leur langue maternelle, qui possèdent un minimum de 5 ans d’expérience dans cette pratique. Nos formations ont un taux de complétude de 98 %. C’est-à-dire que la quasi-totalité des stagiaires qui entament une formation chez nous la terminent. Cela nous a pris 10 ans pour atteindre ce taux de satisfaction et c’est le fruit de milliers de petites modifications dans notre service, dont une grande partie non visible, par l’utilisateur.

Il n’y aura pas de place pour tout le monde sur l’Appli, je pense aux acteurs qui ne contrôlent pas en permanence la qualité de leurs formations, de leurs formateurs ou qui ne proposent que de l’autoformation via des plateformes 100 % en e-learning, ces services-là ne parviendront pas à atteindre leur taux de complétude qui déclenche le paiement total de la formation et finiront donc par disparaître.

Le délai de réponse de 48 heures que doivent respecter les organismes de formation n’est-il pas trop court ? 

Les CGU nous imposent 48h00 : c’est le temps nécessaire qu’il faut. Mais j’aurais préféré que certaines demandes puissent être automatisées car certaines formations peuvent être activées directement et n’ont pas besoin d’être validées par un humain.

Nous pouvons ainsi faire beaucoup mieux pour le client si nous arrivons à faire interconnecter notre SI avec celui de la CDC, et nous l’avions demandé dès le début des travaux.

Nous arriverons à être beaucoup plus réactifs, de l’ordre de la seconde, voire dans les 10 à 30 minutes s’il faut faire intervenir un être humain. La CDC y travaille pour la V2 et/ou la V3. Si nous constatons une montée durable de la demande du fait de l’arrivée de l’Appli CPF nous serons heureux de recruter en conséquence. ”Jusqu’ici tout va bien”.

L’Appli n’informe pas de la possibilité de faire appel à un conseiller en évolution professionnelle. Qu’en pensez-vous ? 

Ce n’est pas vraiment bien mis en avant, mais il y a un lien vers le site du CEP sur le site. Je pense que les gens qui utilisent l’Appli savent ce qu’ils cherchent et les personnes les plus éloignées de la formation qu’ils cherchent, sauront trouver les coordonnées de quelqu’un à contacter. 

Combien de vos formations sont accessibles par l’Appli ?

100 % de nos formations sont accessibles par l’Appli. Nous proposons plus de 10 langues et pour chacune d’entre elles il y a des formules adaptées selon le niveau de l’individu ou selon sa finalité. Par exemple, pour un client qui souhaite se former en anglais métier, il peut choisir sa formation parmi un échantillon de trente types d’anglais métier comme l’anglais de la mode, du business ou commerce. Parfois, certains métiers sont regroupés dans la même thématique sinon nous n’aurions pas 30 mais 3.000 catégories. Nous proposons également des sessions de formation, de 10h, 20h, ou 30h. Nous avons produit un catalogue proche des attentes des stagiaires pour que les gens puissent s’y retrouver. 

Toutefois, nous sommes un peu déçus de la manière dont les futurs stagiaires en formation peuvent nous trouver dans le catalogue.

Par exemple, en ce moment, quand on tape « anglais », il y a deux organismes de formation qui reviennent systématiquement et qui sont donc beaucoup mieux référencés que le nôtre pour des raisons que nous n’avons pas identifiées. 

Êtes-vous inquiets du risque lié au ranking ? 

Oui, nous sommes inquiets et l’inverse aurait été étrange. À partir du moment où un moteur de recherche est mis en place, il faut qu’il fonctionne du mieux possible et le Gouvernement et la CDC se sont engagés, à juste titre, pour une équité dans les résultats. Malgré tout, je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi certains organismes de formation sont plus visibles que d’autres. Or, si vous faites le test, vous verrez que se sont souvent les mêmes organismes qui reviennent. 

Je ne condamne pas ces organismes de formation puisqu'à ce stade personne ne sait comment est fait le moteur de recherche, ni quels sont les critères. Cependant, certains éléments sont évidents, comme le certificat final, les titres, et le contenu, mais nous ne savons rien de l’algorithme qui se cache derrière ni comment il est pondéré. 

Toutefois, l’Appli fonctionne ! La CDC a réussi à faire un moteur de recherche en un an avec  un catalogue de formation important. J’ai espoir que ces problèmes, qu’il ne faut pas nier, seront résolus dans les  prochains mois. la Caisse des dépôts y travaille. 

Comment appréhendez-vous le futur système de notation par les stagiaires ?

J’ai hâte ! Sans ce système, il n’y aura pas de véritable moteur de recherche. Un individu n’effectue pas ses recherches qu’avec de simples filtres, au contraire, il a besoin de lire les retours des autres utilisateurs. Lingueo est un organisme de formation chanceux car il vient du Web où nous prônons la transparence et dans la transparence, il y a le retour client. Nous voulons que nos clients puissent témoigner. Leurs commentaires sont publiés sur notre page d’accueil et ils sont toujours positifs car nous proposons un service de qualité.

Est-ce que ce critère de notation sera un critère de choix dans le moteur de recherche ? Nous ne le savons pas à ce stade, mais nous aimerions que ça le soit. 

La notation est programmée dans le système d’information, elle fonctionne, mais ses critères d’affichage ne sont pas définis. Pour que ce système de notation soit équitable, il faut laisser du temps passer pour que les gens puissent se former et laisser des commentaires, sinon cela laisserait penser que l’Appli n’est pas utilisée.

Vous a-t-on fait remonter des bugs ?

Il y a certes eu des ralentissements, certaines personnes ont aussi rencontré des problèmes sur la réinitialisation de leur mot de passe… nous transférons systématiquement les retours que nous vérifions à la CDC. Soyons clairs : la CDC a fait un travail fantastique et a réussi à lancer dans les temps une Appli qui marche et qui permet aux organismes de formation de développer et de continuer leur activité. C’était la demande du Gouvernement : il voulait que les organismes de formation puissent continuer leur activité, dans un premier temps, et l’augmenter dans un second. Le Gouvernement souhaite que les organismes de formation forment plus, donnent plus de compétences, plus de certificats pour que les Français puissent se sentir plus compétents, plus confiants, plus libres de trouver un emploi ou d’en changer.