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Santé des salariés : une pression supplémentaire pour les managers ?

Le | Bien-être au travail

Université ANDRH 2022 : la responsabilité de l’entreprise et des managers dans la santé des collaborateurs a été évoquée lors d’un atelier animé par Benoît Serre (ANDRH) et Philippe Guibert (International SOS).

Université ANDRH 2022 : Philippe Guibert (International SOS) et Benoît Serre (ANDRH) - © D.R.
Université ANDRH 2022 : Philippe Guibert (International SOS) et Benoît Serre (ANDRH) - © D.R.

Risque santé : une nouvelle corde à l’arc des DRH ? Dans le cadre de l’Université de l’ANDR de Nancy, un atelier organisé le 3 juin et dédié à cette problématique a permis de recueillir l’avis de deux experts : 

  • Benoît Serre, DRH de L’Oréal France et Vice-Président délégué de l’ANDRH.
  • Docteur Philippe Guibert, Directeur Medical Globing, Consulting & Solutions International SOS.

Ils évoquent aussi les liens entre travail hybride, management et santé des salariés.

Benoît Serre : « La santé au travail reste peu abordée par le top management »

« Le sujet du risque santé est perçu par les salariés comme un élément de responsabilité de l’entreprise, et c’est encore plus vrai depuis la crise sanitaire. C’est un premier sujet important que les RH doivent adresser.

Autre observation : tout le monde sait aujourd’hui que l’entreprise a une responsabilité pénale sur la santé de ses collaborateurs, ce qui était peu le cas avant la Covid-19. 

L’entreprise n’a ni la vocation ni les moyens d'être responsable de tout

Dès lors qu’un salarié devient manager, il porte une responsabilité particulière vis-à-vis de l’entreprise qui est exposée pénalement aux risques concernant la santé de ses salariés :

  • prévention,
  • identification,
  • remontée de l’information.

C’est un rôle difficile qui pèse très lourd sur les épaules d’un manager, d’autant plus que peu d’entre eux sont sensibilisés à cette responsabilité lorsqu’ils prennent leur poste.  

Autre axe de progression sur ce sujet de la santé des salariés dans l’entreprise : la sensibilisation du top management. Des dispositifs sont mis en place, comme les check-up santé annuels, mais le sujet reste peu abordé. Une partie des chefs d’entreprise considère en effet qu’on ne peut pas faire porter toutes les responsabilités à l’entreprise, notamment sur les sujets de santé.

Jusqu’où l’entreprise doit et peut intervenir, compte tenu du caractère privé et sensible du sujet ? Où commence l’ingérence ? La limite est complexe à définir, mais elle existe. Mon point de vue est que l’entreprise n’a ni la vocation, ni les moyens d'être responsable de tout. »

Philippe Guibert : « 79 % des salariés estiment que la santé est du ressort de l’entreprise »

« Je suis médecin et je m’occupe des activités de conseil aux entreprises chez International SOS. À ce titre, j’anime une équipe de consultants dont le rôle est d’accompagner les entreprises sur les sujets de santé à l’international.

D’un point  de vue RH, deux grands sujets ont émergé avec la crise sanitaire :

  • Le bouleversement de l’organisation du travail : développement du télétravail, réduction des interactions humaines ;
  • Les conséquences sanitaires de ce bouleversement, notamment sur la santé mentale des salariés : une étude menée par l’OMS et l’OIT indique que le développement massif du télétravail a des impacts négatifs (TMS, douleurs oculaires, stress lié à l’isolement), mais aussi des impacts positifs (moins d’obésité, moins d’hypertension, moins d’addictions, moins de stress et d'états dépressifs liés au travail). L’entreprise a un rôle à jouer pour limiter les impacts négatifs et maximiser les avantages : d’après une étude de l’Ifop, 79 % des salariés estiment que la santé est du ressort de l’entreprise, et que la santé des collaborateurs contribue à leur engagement. »

Benoît Serre : « Il n’existe pas de management spécifique au télétravail »

« La généralisation du travail hybride a, au départ, généré l’idée selon laquelle il faudrait former spécifiquement les managers sur le management hybride. C’est une erreur de conception car il n’existe qu’un seul type de management.

D’autre part, le travail hybride désormais massif doit être organisé, tout comme nous avons organisé le travail non-hybride pendant 150 ans. C’est un point particulièrement sensible, car certains mal-êtres sont dus à des conditions de télétravail difficiles. Or l’entreprise n’est pas responsable des conditions d’exercice du télétravail. »

La formation des managers sur ce sujet de la santé mentale des salariés me semble fondamentale. Elle doit permettre de renforcer la vigilance et le repérage des signaux de mal-être. Ne tombons pas dans la psychose, mais soyons vigilants.

Philippe Guibert : « La gestion d'équipe et l’identification des signaux faibles sont plus complexes en mode hybride »

« La crise a mis en évidence le rôle et le devoir du manager, en tant que gestionnaire d'équipe, dans la santé des collaborateurs de son équipe. C’est une tâche complexe, encore plus dans le cadre d’un management hybride.

C’est pourquoi les RH doivent être en mesure de les former pour leur permettre de repérer les signaux faibles potentiellement révélateurs des difficultés d’un salarié. Le rôle des managers est clé dans le maintien en activité des collaborateurs confrontés à un problème de santé. » 

Adaptation d’un article de News Tank RH rédigé par Alban Garel et publié le 03/06/2022. Retrouvez la couverture de la quasi-intégralité des keynotes et ateliers de l’Université ANDRH 2022 sur News Tank RH. Demandez une offre d’accès Découverte.