Comment mesurer l’impact de l’IA sur nos métiers ?
Alors que l’intelligence artificielle transforme le monde du travail, Sébastien Van Dyk, Directeur général de Talent Solutions - ManpowerGroup, explore les enjeux de cette rupture technologique en entreprise. Comment anticiper les effets de l’IA sur les métiers, objectiver son impact réel et accompagner les collaborateurs dans l’évolution de leurs compétences ?

On a l’impression de parler d’IA en permanence dans le monde du travail. Selon vous, quel son impact réel sur les métiers aujourd’hui ?
Les impacts réels restent encore limités, surtout sur les métiers dits « traditionnels ». Et, contrairement à certaines idées reçues, il n’y a pas une différence flagrante entre cols bleus et cols blancs. Tout le monde teste, expérimente, et certains y trouvent déjà des moyens d’être plus efficaces.
Mais globalement, je parlerai davantage d’une « intelligence augmentée » qu’à proprement d’une « intelligence artificielle ».
En effet, l’IA ne remplace pas mais permet d’augmenter la qualité ou la productivité des collaborateurs, sans bouleverser entièrement leur métier.
Pourtant, des annonces comme la suppression de 10 % des postes chez Microsoft en France ont de quoi dérouter…
Tout le monde ne va pas à la même vitesse. Certaines grandes entreprises américaines déploient l’IA massivement et prennent des décisions un peu « radicales » sans pour autant avoir une vision claire sur leur future organisation du travail.
Je pense que chaque organisation doit adapter la technologie à ses réalités. Nous parlons souvent chez Talent Solutions de la méthode des « 3A » :
- adapter la technologie,
- adapter les compétences,
- adapter les parcours professionnels.
Comment mesurez-vous concrètement les impacts de l’IA ?
Nous avons développé un outil : l’AI Impact Scorecard. Il évalue l’impact présumé de l’IA sur chaque métier, avec des chiffres précis. Nous l’avons présenté à VivaTech et il a suscité beaucoup d’intérêt.
Cet outil montre notamment que les fonctions transactionnelles figurent parmi les plus impactées, et ce jusqu’à 25-30 % de leurs tâches. Les fonctions relationnelles, elles, le sont beaucoup moins.
Quels enseignements tirez-vous de ces observations ?
Dans les métiers de service, l’IA permet de gagner du temps et de la qualité. Prenons l’exemple des langues et des traductions. Grâce à l’IA, il est possible de faire rédiger dans une autre langue, et ce en quelques secondes, un e-mail ou un texte.
Alors, oui, cet e-mail ou ce texte est d’excellente qualité mais est-ce que la personne qui a utilisé l’outil d’IA a réellement progressé dans sa maîtrise de la langue étrangère ? De fait, la question devient : que fait-on du temps gagné ? Comment l’utiliser pour créer davantage de valeur ?
Quelles transformations les entreprises doivent-elles anticiper dans les prochaines années ?
Nous allons vers une productivité accrue. Mais cela demande de hiérarchiser les priorités. Certaines fonctions sont en urgence : par exemple, les métiers comptant beaucoup de tâches chronophages.
Demain, l’IA rédigera automatiquement des e-mails, des comptes-rendus ou des rapports, et le collaborateur se concentrera sur l’analyse et la relation client/usager.
Mais attention, l’IA n’est pas autonome. C’est un méga-calculateur. Elle doit toujours être encadrée par l’humain, notamment dans des métiers où la dimension relationnelle est essentielle, comme le recrutement.
Les entreprises doivent s’assurer que chaque processus reste sous contrôle humain. Il faut former les collaborateurs, proposer des parcours adaptés et créer des supports pédagogiques en temps réel.
Et l’impact de l’IA sur les fonctions RH ?
Il est très intéressant. Prenons le Strategic Workforce Planning. Avant, il fallait des mois pour produire un plan solide. Aujourd’hui, avec l’IA, cela se fait en quelques jours ou semaines et on peut l’adapter en permanence… C’est une révolution pour anticiper les besoins en compétences.
Autre exemple : les entretiens annuels. L’IA peut analyser tous les verbatims, les synthétiser et dégager des thématiques. Cela permet d’objectiver l’opinion des collaborateurs, là où auparavant l’information était fragmentée.