Pascal Lorne, Gojob : « Avec Persol, nous bâtissons un projet commun autour du travail »
Début octobre, le groupe japonais Persol, spécialisé dans le travail intérimaire, a annoncé le un investissement de 120 millions d’euros dans Gojob. Le point sur les projets de développement avec Pascal Lorne, CEO de la plateforme d’intérim digital.
C’est un deal inédit franco-japonais inédit dans la HR Tech. Persol, le 2e groupe de travail intérimaire au Japon, devient actionnaire majoritaire de Gojob, la plateforme spécialisée dans l’intérim digital lancée en 2015. Montant de l’investissement : 120 millions d’euros.
Retour sur les contours de ce partenariat stratégique et des développements dans l’IA avec Pascal Lorne, CEO et fondateur de Gojob.
La jonction entre Gojob et le Groupe Persol
« Elle s’est faite à la suite d’une incroyable rencontre avec Yoshiko Shinohara, fondatrice de Persol, et Takao Wada, président et CEO de Persol Holdings. Mes premiers contacts avec ce groupe spécialisé dans l’intérim au Japon, créé en 1973, coté en Bourse et qui réalise un CA équivalent à 9 milliards d’euros, remontent à février 2025. J’ai trouvé le parcours de Yoshiko Shinohara très inspirant.
Nous nous sommes rendu compte que Gojob et Persol avaient un ADN commun et des ambitions fortes et compatibles :
- Gojob veut avancer plus vite et plus loin, tout en étant doté de moyens financiers plus importants ;
- Persol veut étendre ses activités en Europe et aux États-Unis.
L’adéquation est donc parfaite. Pendant six mois, nous avons discuté des diverses manières de nous associer. Nous avons abouti à la création d’une société commune avec un investissement de 120 M€ de Persol dans Gojob afin de renforcer mutuellement nos activités et de poursuivre notre mission : permettre à toujours plus de personnes de retrouver leur dignité dans le travail.
Persol est devenu l’actionnaire majoritaire de Gojob [ndlr : 85 % du capital] en remplaçant une série d’actionnaires français et étrangers. Tandis que la direction de Gojob, les fondateurs, et mon fonds de dotation, monté à la création de Gojob en 2015, ont bénéficié d’une relution [ce qui permet aux associés de voir le bénéfice par action détenue augmenter].
Ce qu’il faut surtout retenir dans l’accord Gojob - Persol, c’est que nous sommes dans une opération croisée dans laquelle nous bâtissons un projet commun autour du travail.
Le savoir-faire de Gojob permettra d’accompagner la digitalisation des entreprises du groupe Persol au Japon. Nous ferons donc rayonner la technologie française dans ce pays. Nous sommes en discussion avec le ministère du Travail japonais pour qu’il intègre notre technologie IA maison (« Aglaé ») dans leurs solutions.
L’appui de Persol à Gojob permettra d’accélérer en Europe, de réaliser ensemble des acquisitions et de faire avancer nos projets aux États-Unis.«
Gojob - Persol : « Une rencontre inspirante » selon Pascal Lorne
• Dans les années 60, dans un Japon marqué par un certain conservatisme et une société pétrie de traditions où la place de la femme n’était guère valorisante, Yoshiko Shinohara divorce et quitte son pays pour vivre en Europe (Royaume-Uni, Suisse) puis en Australie. Elle y découvre le concept de travail par intérim et décide de l’importer au Japon dans l’objectif de permettre à davantage de femmes d’accéder à l’emploi et à l’indépendance.
• En 1973, Yoshiko Shinohara crée à Tokyo une société de travail par intérim qui s’adresse spécifiquement aux femmes. Une activité proche de l’illégalité au Japon à l’époque mais qui participera à faire évoluer le cadre légal du travail et servira de socle au développement de Persol. En septembre 2025, le groupe est composé de 148 sociétés en Asie, dont 37 au Japon.
• À sa retraite en 2020, Yoshiko Shinohara a légué la moitié de sa fortune, soit environ 500 M€, à une fondation qui porte son nom.
La combinaison des activités de Gojob
- »Nous continuons à développer en France et aux États-Unis notre offre d’intérim digital Gojob Intérim, qui propose 5 000 offres d’emploi en France. Depuis notre création en 2015, nous avons accompagné 50 000 jeunes sans emploi à démarrer une mission.
- En parallèle, nous offrons aux entreprises cette même technologie d’IA - appelée Aglaé - en mode SaaS disponible en marque blanche. C’est une solution de recrutement pour tous types de contrats qui s’intègrent directement chez nos clients.
- Nous proposons Aglaé à une dizaine de grandes organisations clientes, dont France Travail, La Poste ou CEVA Logistics.
- Nous avons monté une filiale pour développer cette offre avec une force de vente dédiée, des serveurs à part, et une exploitation cloisonnée vis-à-vis de Gojob Intérim pour bien marquer la séparation de l’exploitation des jeux de données.
- À travers cette offre SaaS, nous réalisons 20 % de notre CA (200 millions d’euros en 2025). Nous souhaitons qu’elle représente 50 % d’ici 2030 avec un CA global escompté d’1 milliard d’euros.«
La collaboration entre Gojob et France Travail
»Nous avons mené un test grande échelle de déploiement de notre solution Aglaé dans une centaine d’agences France Travail pour la mise en relation entre les recruteurs et chercheurs d’emploi.
En l’état actuel, un recruteur passe sa journée à passer des coups de fil non aboutis. Il peut passer jusqu’à une centaine de coups de fil pour trouver un candidat. Notre plateforme Aglaé pourrait permettre d’exploiter les bases de données des agences France Travail pour repérer les meilleurs candidats avec le meilleur match théorique.
Notre solution prend contact simultanément avec les candidats à travers divers canaux : mail, SMS, WhatsApp… En 14 minutes en moyenne, en ayant mené toutes ces conversations en parallèle, Aglaé trouve la personne disponible et motivée pour le poste. Le gain de temps serait phénoménal, de l’ordre de 50 fois.
La solution permet aussi de gagner en qualité. Plutôt que de passer son temps au téléphone à faire de l’abattage et passer 3 à 5 minutes par conversation. Le recruteur peut passer une demi-heure au téléphone pour faire du coaching et finaliser l’entretien avec le candidat.
Nous en sommes fiers : nous avons développé une solution IA pour des humains au service de l’humain.
Nous avons aussi mené un test avec Mistral AI pour l’instant mais il s’agit d’une approche technologique complémentaire. Mistral AI fournit un LLM standard à France Travail. Mais il lui manque une spécialisation. Gojob pourrait apporter la couche qui permet de rendre Mistral AI intelligent pour les RH.«
La répartition géographique des activités entre Gojob et Persol
»La technologie Aglaé sera déployée au Japon et en Asie sous la supervision de Persol.
Parallèlement, nous avançons aux États-Unis depuis trois ans. Cela représente 20 % de notre activité. Le business est en pleine croissance et nous comptons accélérer avec l’appui financier de Persol. Nous avons une trentaine de personnes sur place deux bureaux à Boston (Massachusetts), à Atlanta (Georgie) et à Dallas (Texas).
D’ici cinq ans, 50 % de notre CA sera généré à l’international.«
Evaluation de l’impact de Gojob
»Nous ouvrons vraiment le champ des possibles à des jeunes qui sont bloqués dans leur carrière et leur développement personnel.
Je ne citerai qu’un seul exemple. Avant même de parler de CA et de résultats, toutes nos réunions hebdomadaires en comité de direction, tous nos conseils d’administration mensuels, nos assemblées générales commencent par la communication d’un indicateur : le pourcentage de jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville que Gojob aide pour trouver un boulot.
Aujourd’hui, 40 % des gens qui passent par Gojob sont issus des quartiers prioritaires. Nous voulons atteindre 200 000 bénéficiaires issus de l’inclusion d’ici 2030."
Si on veut avoir un impact sociétal, il faut donner du travail aux gens. Nous retrouvons cet état d’esprit de dignité humaine par le travail avec notre nouveau partenaire Persol.