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Recrute-t-on mieux grâce à l’IA ?

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L’intelligence artificielle permet sans doute aux entreprises de recruter plus vite et moins cher, mais peut-elle les aider à recruter mieux ? Réduction des biais humains, analyse des soft skills, sécurisation des choix de recrutement : tout est possible… à condition de penser la complémentarité homme-machine et d’avoir accès à une grande diversité de données.

Le recrutement a été le premier terrain de jeu de l’IA dans les RH. Du sourcing au onboarding, en passant par la mobilité interne, les solutions de recrutement qui se sont positionnées sur le créneau de l’intelligence artificielle ne se comptent plus.

« L’IA est beaucoup utilisée, mais par petites briques : elle ne prend pas en charge tout le processus de recrutement. On assiste à un séquençage des tâches, partagées entre le recruteur et l’IA », analyse Géraldine Galindo, professeure associée en GRH à l’ESCP Europe.

Automatisation du tri des CV, personnalisation de l’expérience candidat, constitution facilitée du dossier administratif : si les gains en termes de temps et de coûts ne font guère de doute, l’IA entend aussi aider les recruteurs à réduire les erreurs de casting et à trouver des perles rares sur des marchés en pénurie de talents.

L’IA sous surveillance

Pour certains disciples de l’IA, la machine serait par nature plus neutre et objective qu’un humain. Les déboires du robot-recruteur d’Amazon, qui avaient fait grand bruit fin 2018, ont toutefois laissé des traces et exacerbé les doutes.

« C’est souvent par manque de surveillance qu’on se retrouve avec des robots misogynes ou xénophobes, qui copient bêtement ce qu’ils voient. Comme chez l’humain, on a rarement de miracles quand on laisse une intelligence rudimentaire se développer seule », observe Yves Loiseau de Textkernel.

Pour Géraldine Galindo, un autre biais empêche une ‘IA recruteuse’ d’être 100 % objective dans son traitement des candidats : le profil des développeurs qui l’ont conçue. Souvent des hommes de type caucasien (ou asiatique pour le cas des Etats-Unis) plutôt jeunes, inconsciemment influencés par leur propre situation personnelle.

Scruter les soft skills

Grâce à des fonctionnalités avancées de matching et d’évaluations psychométriques, la solution de recrutement prédictif AssessFirst, promet de recommander des candidats 15 % plus performants et de réduire le turnover de 50 %.

De son côté, EasyRecrue commercialise une IA adossée à son module d’entretiens vidéo différé. Le principe de cette outil baptisé « Smart ranking » : classer des candidats en fonction de leur aptitude pour la communication et pour le travail en équipe, considérées par la startup comme les deux compétences sociales « les plus appréciées de la majorité des recruteurs ». Pour ce faire, le système capte et analyse les données verbales et non-verbales de chaque postulant : la singularité et la diversité de son vocabulaire, mais également son débit de paroles, ses hésitations, etc.

« Nous n’avons pas vocation à jouer les apprentis sorciers. Notre produit est issu de deux années de recherches, en lien avec un comité scientifique universitaire », explique François Vimont, VP Product & Growth d’EasyRecrue.

La diversité des données

« Ce qui saute aux yeux, c’est le caractère stable de ce que propose l’intelligence artificielle. Elle reproduit ce qui a déjà existé, en intégrant des variables connues. Or, les entreprises ont besoin de nouvelles compétences, avec des profils moins normés », explique la chercheuse Géraldine Galindo.

Pour qu’une IA puisse véritablement recruter ‘mieux’ qu’un humain, il faudrait qu’elle croise un très grand nombre de critères, y compris des données plus personnelles, comme les souhaits de vie, par exemple.

« Plus on donne de variables à une IA, moins le top 10 des résultats a de chance de se ressembler. Si elle dispose d’un temps infini et une bande passante illimitée, elle est capable d’explorer des scénarios que personne n’avait envisagé  », conclut Yves Loiseau.

(article de Gaëlle Fillion)