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Véronique Torner, Numeum : « Former des spécialistes en IA et transformer les corps de métiers »


Sommet pour l’action sur l’IA 2025 : Véronique Torner, Présidente de Numeum, explique comment le syndicat professionnel de l’écosystème du numérique compte accélérer sur les volets formation et montée en compétences IA avec le 3e volet de la stratégie nationale de l’IA.

Sommet pour l’action sur l’IA : la formation et les compétences en IA par Véronique Torner (Numeum) - © Iannis G./REA
Sommet pour l’action sur l’IA : la formation et les compétences en IA par Véronique Torner (Numeum) - © Iannis G./REA

Avec le Sommet pour l’action sur l’IA, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé « 109 milliards d’euros d’investissements privés français et étrangers en matière d’IA pour les prochaines années ».

Lors du pendant Business Day organisé à Station F le 11 février 2025, Véronique Torner, Présidente de Numeum, explique dans une interview pour News Tank RH et RH Matin comment les membres du syndicat professionnels des acteurs du numérique en France (ESN, éditeurs de logiciels, plateformes et sociétés de conseil en technologies) comptent rebondir sur cette annonce pour accélérer sur les volets de la formation et des compétences IA.

Comment la filière numérique s’organisera-t-elle afin de répondre aux besoins de formation pour se doter des compétences IA nécessaires ?

Nous sommes déjà organisés dans le secteur de la formation au regard de la pénurie actuelle en ressources humaines. Nous avons monté un écosystème dans ce domaine et noué des relations avec l’Éducation nationale et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sur la formation initiale.

Depuis plusieurs années, nous avons également pris position sur le thème de la reconversion en partenariat avec France Travail pour la formation continue. Nous travaillons également sur le volet des compétences au féminin dans le secteur numérique car il s’agit d’un levier très important.

C’est aussi un vrai sujet en matière de développement IA : la présence de profils pluriels et diversifiés est essentielle dans le développement des applications. Si on veut que les femmes rentrent dans la tech, il faut aussi développer des usages appropriés de l’IA.

Comment accélérer sur les compétences IA en France ?

Nous avons beaucoup travaillé avec le MEDEF sur le Tour de France de l’IA qui vient d’être bouclé et le Medef a formulé dix propositions pour avancer sur l’IA.

C’est important d’intensifier la collaboration avec tous les secteurs industriels pour monter en puissance.

L’objectif est de former 300 000 Français chaque année à l’IA. Nous nous organiserons pour accompagner la transformation à travers la formation, la montée en compétences et la reconversion, notamment avec l’appui du syndicat cousin Les Acteurs de la Compétence. Certains membres font aussi partie de Numeum.

Nous assistons à une véritable volonté politique de favoriser le développement de l’IA, mais il n’y a pas encore suffisamment de compétences attendues dans notre secteur. Les annonces représentent une vraie transformation de la trajectoire.

Sur les 109 milliards d’euros annoncés pour développer l’IA, quelle est la proportion dédiée à la formation ?

Nous l’ignorons en l’état actuel. Il existe un volume conséquent - entre 70 et 80 milliards d’euros - pour les infrastructures numériques (centre de données).

Le Président de la République Emmanuel Macron a insisté : les compétences sont importantes. Il faut évidemment former des spécialistes en IA mais aussi transformer les différents corps de métiers.

Nous le voyons avec l’Ordre des Avocats qui s’adapte avec l’IA à travers la LegalTech : les gains de temps, de productivité et de qualité de travail sont importants.

Nous voyons des avantages similaires dans des secteurs comme le marketing, le commerce, la santé et les RH transformés par l’IA.

Comment accompagner ce passage à l’échelle en matière de formation à l’IA ?

Nous allons voir l’émergence d’acteurs spécialisés dans la formation IA ancrés dans des filières d’excellence. Il en existe déjà comme Eurecom (école d’ingénierie en sciences du numérique) ou Alegria group (académie de formation au no code).

Derrière l’IA, il existe des dimensions, des métiers et compétences différents : programmation, promptage, applications métiers. Ce n’est pas tout à fait un outil sur étagère.

Enfin, il faut réduire l’écart entre les entreprises afin de permettre aux employeurs et cadres dirigeants des TPE/PME de concevoir et d’installer un cadre et une stratégie IA dans leur entreprise. Ce que les grands groupes ont d’ores et déjà mis en place.

Je le vois aussi à travers mon entreprise Alter Way (Groupe Smile), le DRH, les équipes avant-vente, marketing ont été formés au prompting IA.

Il faut aussi prendre en compte l’évolution de l’IA : avec l’ère des agents IA, nous aurons des agents spécifiques par métier.

Le coordinateur national devra apporter une vision globale, fixer des KPI par secteur et poster des objectifs pour un suivi efficace du plan de déploiement de l’IA.

Nous rentrons dans un nouveau cycle avec le troisième volet de la stratégie nationale de l’IA. Nous sommes arrivés à un degré de maturité pour engager un niveau de formation élargi au grand public.

Jusqu’à présent, beaucoup d’efforts ont porté sur la recherche académique avec les clusters IA. C’était une étape importante, mais il est temps désormais que chaque Français se forme à l’IA pour développer ses capacités de travail.

C’est d’ailleurs la démarche prise par le Gouvernement pour son propre fonctionnement, avec une feuille de route de déploiement de l’IA pour chaque administration, comme l’a annoncé le Président de la République.

Comment retenir les talents français dans l’IA ?

L’excellence de la filière française de l’IA n’est plus à démontrer et on trouve beaucoup d’experts français IA localisés dans la Silicon Valley issus de nos filières mathématiques mondialement reconnues.

Il faut continuer à approfondir le travail effectué sur l’attractivité de la France pour retenir les talents. Numeum travaille sur ce point au niveau de la fédération Syntec.

À ce sujet, nous avons décidé de lancer un Observatoire sur la fuite des talents. Les premiers résultats seront livrés d’ici début 2026.

  • Depuis 2017, un travail de fond a été réalisé sur l’attractivité de la France, notamment à travers la French Tech. Il faut maintenant passer à l’échelle et dépasser le microcosme de l’innovation pour embarquer tous les secteurs industriels.
  • C’est l’heure maintenant de passer au développement professionnel de l’IA, et de sa généralisation.
    • En France, 10 % des entreprises ont adopté l’IA en moyenne : 8 % pour les TPE, 15 % pour les ETI, 32 % pour les grands groupes.
    • C’est très faible comparé au Danemark qui dispose d’une moyenne d’adoption de 40 %.
    • Nous travaillons avec le Medef pour embarquer toutes les entreprises dans une dynamique IA globale en allant à leurs rencontres sur les territoires et le terrain et rassembler les acteurs économiques des régions autour de cas concrets.

Quelle dynamique l’UE peut insuffler sur le volet de la formation IA ?

La Commission européenne a annoncé, le 11 février 2025, un investissement de 200 milliards d’euros pour le développement de l’IA dans l’UE. Nous invitons à passer rapidement à l’exécution de ce plan.

Au niveau de la Commission européenne, nous observons aussi un vrai déclic sur l’IA malgré la complexité opérationnelle à faire appliquer les orientations prises par l’UE au sein de chaque État membre : on fait face à des soucis de convergence des décisions stratégiques, de respect de la souveraineté des États et du calendrier de mise en conformité…

Depuis 2020, avec le lancement de la décennie numérique, nous avons une trajectoire claire sur l’IA : 75 % des entreprises européennes doivent utiliser l’IA d’ici 2030.