Formation

« Les organismes de formation sont en danger ! »

Le | Droit de la formation

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel marque les prémisses d’une refonte d’envergure de la formation professionnelle. Quels regards business portent les responsables d’organismes de formation sur cette réforme ? Rencontre avec Hélène Schandeler, directrice associée de Forma 2+.

« Les organismes de formation sont en danger ! » - © D.R.
« Les organismes de formation sont en danger ! » - © D.R.

Quel regard portez-vous sur la réforme de la formation professionnelle ?

Si initier une réforme était une bonne démarche, je ne suis pas convaincue qu’elle portera ses fruits. En effet, les entreprises auront bien des difficultés à utiliser le Compte personnel de formation pour répondre aux besoins réels de leurs salariés. Ces derniers choisiront désormais une formation à leur guise, sans nécessairement impliquer leur entreprise. Avec cette réforme, les responsables formation sortent donc quasiment du système. Or, le rôle de ces professionnels est justement de conseiller les salariés et de les accompagner pour choisir un apprentissage pertinent à même de les faire progresser au sein de l’entreprise.  

L’application CPF, mesure phare de la réforme, est-elle une bonne chose ?

L’application facilite la sollicitation de formations et vise l’autonomie du salarié. En revanche, cette meilleure accessibilité et la prise en charge systématique de la commande devraient conduire à un taux d’absentéisme plus important. La gratuité réduit la valeur. Cela peut engendrer une réelle distorsion entre l’inscription et la présence réelle de l’apprenant lors de la formation et au passage de la certification. Or, si cela accroit l’absentéisme, comment les centres de formation seront-ils payés ? Par le passé, les entreprises s’acquittaient de la facture. Mais si elles ne sont plus impliquées, qui réglera la note ?

Que pensez-vous de la monétisation du CPF sur la base de 15 € de l’heure ?

Cette mesure sera plus compréhensible pour l’apprenant. Cependant, la conversion appliquée est trop faible pour suivre une formation et se préparer au passage de la certification. Cela va générer des formations low-cost avec un déploiement de plateformes en e-learning qui sont complémentaires d’un apprentissage mais qui n’en sont pas le cœur. La baisse des financements ouvre la porte à des cours qui seront minimalistes voire délocalisés à l’étranger. Le risque est de voir beaucoup de centres de formation et d’indépendants faire faillite.

Quid de la réduction du nombre d’OPCO ?

Les OPCA étaient très nombreux et leurs politiques en termes de convention, de facturation, de certification étaient hétérogènes. Nous rencontrions des difficultés de communication. Il n’y avait pas vraiment de transparence, ce qui engendrait de la méfiance. Ils avaient chacun leurs conditions, elles pouvaient évoluer en cours d’année sans qu’on en soit forcément informés. Nous avions davantage, avec eux, une relation de contrôle que de collaboration réelle. Ainsi, cette réduction de près de 50 % d’interlocuteurs potentiels va, de facto, faciliter la rationalisation du suivi administratif et la création de liens plus étroits, surtout dans cette période pionnière de mutation de process.

Selon vous, quel est l’avenir des organismes de formation ?

Ils sont en danger. Il y a déjà une forte diminution des commandes de formations. De plus, la réorganisation des OPCO en avril 2019 risque d’impliquer une paralysie accrue du système. En outre, les responsables formation des entreprises, les gérants d’organismes de formation et même les formateurs n’arrivent plus à suivre. A force de s’adapter aux changements de règles, ils sont littéralement épuisés. Par ailleurs, toutes les entreprises ne sont pas encore prêtes pour réinvestir le champ de la formation. Il devrait se passer un ou deux ans pour qu’elles réinjectent des fonds. L’avenir est donc clairement préoccupant.  

Quel regard portez-vous sur la future certification qualité, nécessaire pour voir sa formation financée ?

Forma 2+ est certifié « Veriselect » par Bureau Veritas, reconnu par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CNEFOP). Cette certification nous permet d’être également référencé dans Datadock. La sollicitation et l’obtention de cette certification nous a permis d’évoluer. Cela nous a donné l’opportunité de gagner en rigueur. Pour autant, la certification n’est pas une garantie de la qualité de la prestation de formation : savoir bâtir un bon dossier de certification et assurer des formations de qualité sont deux choses bien différentes. Quoiqu’il en soit, obtenir ce type de certification sera laborieux pour certains confrères, dont les indépendants. Cela pourrait les contraindre à arrêter leur activité. 

Gérald Dudouet