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Bruno Da Sola, DRH Inetum :« En termes de niveau de salaires, il faut s’adapter au marché »

Par Philippe Guerrier | Le | Marque employeur

Recrutement, salaires, télétravail, reconversion…Bruno Da Sola, Directeur des ressources humaines du groupe Inetum, aborde les principaux enjeux d’une ESN d’envergure mondiale.

Bruno Da Sola, DRH du groupe Inetum : les enjeux RH d’une ESN de portée mondiale - © D.R.
Bruno Da Sola, DRH du groupe Inetum : les enjeux RH d’une ESN de portée mondiale - © D.R.

Comment la direction des ressources humaines d’une entreprise de services numériques (ESN) d’envergure mondiale comme Inetum (ex-Gfi) parvient à attirer des nouveaux profils compétents précieux pour sa clientèle d’entreprises engagées dans des problématiques de transformation digitale. Tout en motivant ses collaborateurs alors que la bataille sectorielle des talents est féroce.

C’est le défi de Bruno Da Sola, Directeur des ressources humaines du groupe

Impliqué dans des activités de consulting, d’intégration et de développement d’applications logicielles et de services d’infrastructures informatiques, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros en 2021.

Il dispose d’un effectif global de 27 000 collaborateurs dans 26 pays dont :

  • près de 10 000 salariés sur 45 sites en France,
  • 6500 salariés en Espagne,
  • 2000 salariés pour la Belgique et le Portugal chacun,
  • 1700 salariés au Mexique,
  • 800 consultants au Maroc.

Pour les autres entités pays, les équipes se situent dans une fourchette de 300 à 900 salariés.

(adaptation d’un entretien diffusé sur News Tank RH le 10 mai 2022)

Vous avez lancé fin mars une nouvelle campagne de recrutement portant sur 7000 recrutements, dont 3000 en France pour 2022. Quels leviers exploitez-vous ?

Ce plan de recrutement ambitieux doit accompagner la croissance du groupe dans le cadre du nouveau plan stratégique UPSCALE25. La qualité de l’expérience collaborateur constitue le principal levier pour se différencier, notamment l’onboarding ou le parcours de carrière (montée en compétences, formation…). Nous travaillons aussi sur l’aspect rémunération, un sujet d’actualité dans le contexte inflationniste.

Nous recourons beaucoup à LinkedIn pour repérer les bons profils (le réseau social professionnel représente 30 % de notre recrutement aujourd’hui) mais aussi à la cooptation qui se révèle comme le canal de recrutement le plus efficace (près de 30 % actuellement). Par ce biais, nous estimons à 80-90 % le taux d’intégrations réussies.

Nous comptons aussi beaucoup sur notre site carrière remodelé après notre changement d’identité en janvier 2021 (Gfi est devenu Inetum). Il est plus fluide et nous mettons en avant des éléments qualitatifs importants comme l’égalité femmes-hommes ou le télétravail. Nous utilisons la solution proposée par CleverConnect afin de disposer d’annonces plus dynamiques avec :

  • des photos optimisées,
  • des vidéos pour mettre en avant des profils de collaborateurs,
  • des outils pour postuler et retrouver les candidatures spontanées plus facilement.

Compte tenu des tensions sur le recrutement, comment faîtes-vous évoluer la grille des salaires ?

C’est évident  : nous devons nous adapter au marché pour recruter et faire face à l’inflation forte. Les lignes sont en train de bouger.

  • Nous devons nous montrer agiles et accompagner les managers pour qu’ils changent leurs habitudes de recrutement et qu’ils fassent évoluer le package de rémunération, aussi bien quantitatif que qualitatif ;
  • Les augmentations individuelles en fonction des performances de nos collaborateurs représentent un pilier de notre politique de rémunération, mais nous avons aussi pris des mesures collectives pour compenser l’effet de l’inflation ;
  • Nous avons augmenté les montants des tickets restaurants et avons procédé à une mesure d’augmentation collective pour les plus bas salaires.

Compte tenu de la carence de certaines compétences sur le marché, nous voyons des entreprises comme des ESN ou des start-ups qui proposent des salaires déjà élevés et qui ne cessent d’augmenter depuis un an pour attirer les talents. Les niveaux d’augmentation peuvent varier avec la localisation géographique des postes à pourvoir ou des compétences recherchées.

On peut observer une augmentation des prétentions salariales de l’ordre de 10 à 20 % sur des expertises spécifiques.

En guise d’anecdote, j’ai discuté avec un architecte cloud récemment recruté chez nous : au bout de 2 mois de collaboration, il a reçu 48 offres.

Nous constatons un redémarrage fort des projets de digitalisation des entreprises et des institutions côté clients d’Inetum. La priorité est de trouver les bons profils de collaborateurs pour leur réalisation.

Quel niveau d’attrition observez-vous actuellement pour Inetum ?

Après une forte baisse du turnover constatée avec la crise de la Covid-19, ce taux est revenu à un niveau de 19,5 % au 31/12/2021. Cela demeure en dessous de ce qui est observable chez nos concurrents. Nous sommes fiers de l’engagement durable de nos collaborateurs dont l’ancienneté moyenne est de 7 ans en France.

Quel dispositif de télétravail avez-vous adopté ?

Le télétravail s’ancre incontestablement dans l’organisation de travail et nous utilisons beaucoup les outils collaboratifs comme Microsoft Teams. Chez Inetum, nous sommes flexibles. En tant qu’ESN, il faut cependant garder en tête que nous répondons toujours aux besoins de nos clients. La présence sur site de nos collaborateurs répond d’abord à leurs demandes, ou à une nécessité pour mener à bien certains projets dans l’une de nos agences régionales par exemple.

En l’état actuel, nous sommes à une moyenne de 2,5 à 3 jours de télétravail par collaborateur et par semaine. C’est le manager qui, en concertation avec ses équipes, décide du nombre de jours télétravaillés.

Quels programmes de formation avez-vous mis en place pour la montée en compétences informatique ou la reconversion ?

C’est un sujet fondamental dans le prolongement de celui sur la pénurie des compétences. Nous avons renforcé cette dimension lors de la crise de la Covid-19 avec les collaborateurs qui se sont retrouvés en activité partielle.

  • Nous avons formé une centaine de collaborateurs à des compétences purement digitales, en utilisant les dispositifs de soutien financier mis en place par l’État et en investissant directement dans ce programme à hauteur de 120.000 euros.
  • En 2021, 10 000 salariés ont également passé des processus de certification, notamment dans le cloud (Amazon Web Services, Google Cloud Platform…).
  • Nous avons aussi monté un programme portant sur la partie commerciale des managers.
  • Nous avons également créé une université pour permettre des évolutions de poste de chef de projets à celui de directeur de projets.
  • Le groupe Inetum travaille sur des programmes pour former nos collaborateurs dans des cycles de 5 ans notamment sur les compétences qui se développent et montent en puissance. Il est également important de conserver des compétences sur des langages informatiques que l’on dit obsolètes mais toujours demandés comme le Cobolt.
  • Nous utilisons également les périodes d’intercontrat de nos collaborateurs pour initier des sessions de formation, notamment par le biais de l’e-learning, ou pour les impliquer sur une durée de 3 à 4 jours dans des projets de la direction de l’innovation par exemple. Les périodes sont actuellement plus courtes, compte tenu de l’intensité de l’activité du groupe.

Compte tenu des tensions de recrutement, déportez-vous des missions IT à des freelancers ?

Pour répondre à nos besoins de compétences, c’est une piste intéressante à laquelle nous nous attelons depuis janvier 2022 avec une approche internationale. Il faut savoir que le vivier de freelancers dans l’IT en France est moindre par rapport à d’autres pays comme la Belgique par exemple.

Dans cette configuration, nous devons déterminer un modèle « win-win » avec les freelancers et les moyens de maintenir une relation de qualité avec eux dans la durée. Nous avons lancé un test dans ce sens.

Dans le sens inverse, il y a toujours des collaborateurs d’Inetum qui ont décidé de devenir indépendant mais nous n’observons pas de hausse particulière dans la période actuelle.

Comment est organisée la DRH du groupe Inetum ?

• L’organisation de la DRH est très liée à l’évolution du périmètre d’Inetum (ex-Gfi) sur cette dernière décennie. Plus de 36 acquisitions en 12 ans. Avec l’acquisition de IECISA (filiale informatique de El Corte Ingés) en 2020, l’ancrage à l’international a été renforcé en particulier sur la zone IBERIA/LATAM alors qu’historiquement, la majeure partie des activités était localisée en France. Le poids du business réalisé en France est ainsi passé de 65 % à 40 %. Inetum a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires total de 2,2 Md€.
• Le rôle de Bruno Da Sola consiste à coordonner les équipes RH en France et à accompagner la structuration internationale du management des DRH par pays. L’effectif global d’Inetum est de 27.000 collaborateurs dans 26 pays.
• L’équipe RH monde d’Inetum compte entre 350 et 400 collaborateurs avec un fort ancrage local.

« Les organisations peuvent être très différentes en fonction des pays et la gestion RH est décentralisée. Néanmoins, je porte une attention particulière à la notion de “business partnering” , qui fait partie des missions premières de la DRH », considère Bruno Da Sola.