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Syntec Numérique : « Le sujet majeur dans nos métiers, c’est la préservation de l’emploi »

Par Philippe Guerrier | Le | Gestion des talents

Thierry Siouffi, président du Collège des Entreprises de services numériques (ESN) du Syntec Numérique, aborde l’impact de la crise chez eux et chez leurs clients.

Thierry Siouffi, président du Collège des ESN du Syntec Numériq - © D.R.
Thierry Siouffi, président du Collège des ESN du Syntec Numériq - © D.R.

Syntec Numérique a récemment publié une étude d’impact dévoilée à chaud avec 166 répondants sur ses membres en lien avec la crise Covid-19. Le syndicat professionnel, qui a vocation à fédérer les Entreprises de services du numérique (ESN), des éditeurs de logiciels et des sociétés de conseil en technologies, s’inquiète des répercussions économiques et sociales.
L’étude fournit quelques premiers enseignements :

  • 74,1 % anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires prévisionnel sur le deuxième trimestre 2020, en moyenne de -22,9 % ;
  • 46 % des dirigeants qui expriment leur inquiétude quant à la pérennité de leur entreprise « si la reprise de l’économie ne se fait pas à un rythme normal dans trois mois » (sic).
  • 98 % à avoir recours au télétravail, soit près de 80 % de leurs salariés qui maintiennent leur activité, à distance.
  • 2 entreprises sectorielles sur 3 ont recours au recours au dispositif gouvernemental d’activité partielle, soit un total de 68 000 salariés sur les 5,8 millions concernés par ces mesures tous secteurs confondus au sein du syndicat professionnel.

Thierry Siouffi, président du Collège des ESN du Syntec Numérique (et parallèlement Senior Vice President chez Atos), a été récemment interviewé par notre partenaire média News Tank RH. Voici des larges extraits.

Quels premiers impacts relatifs à la crise recensez-vous dans le secteur des ESN ?

La première analyse que je tire est issue des contacts de proximité, des réunions avec nos adhérents et des échanges sectoriels. Le contexte est clair : tout le monde a pris cette crise de face. Notre première attitude a consisté à réagir vite pour aider les clients.

Notre première attitude a consisté à réagir vite pour aider les clients. Beaucoup d’ESN se sont mobilisées pour mettre des solutions de télétravail à disposition de l’ensemble de leurs collaborateurs. C’est une pratique assez native dans notre secteur du numérique.

Quasiment 100 % des ESN ont basculé en télétravail. À la réserve près de celles qui ont des contrats spécifiques nécessitant une présence sur des sites physiques au nom d’un caractère ultra-confidentiel des activités. Il faut prendre en compte des contextes particuliers d’exploitation.

Cette bascule vers le travail à distance est moins évidente parmi nos clients, qui ont prévu le télétravail dans leurs plans de continuité d’activité mais qui ne l’ont pas forcément déployé ou expérimenté. Cela a représenté un vrai sujet : il fallait que les solutions de télétravail soient installées pour que les entreprises reprennent leur fonctionnement.

Comment se sont adaptées les ESN à ce contexte de crise ?

En mettant en place des plan de continuité d’activité (PCA) voire des cellules de crise. Bien sûr, comme dans toutes les entreprises, des PCA ont été enclenchés au sein des ESN, avec des systèmes de visioconférence et de plateformes collaboratives.

La préservation de la santé des collaborateurs et leur protection ont constitué les priorités dans cette bascule

Compte tenu de la nature de la crise, la préservation de la santé de ses propres collaborateurs et leur protection ont constitué les priorités dans cette bascule, tout en assurant la continuité d’opération. Le télétravail établi comme une pratique par défaut a été une des réponses apportées.Ces plans de continuité d’activité ont été associés à des cellules de crise.

Concrètement, je connais le cas d’Atos : 92 % des collaborateurs ont basculé en télétravail dès que les pics de pandémie ont été perceptibles. Des mesures de protection individuelle des collaborateurs ont été prises en cas de présence sur site nécessaire.

Quel degré d’appréhension vis-à-vis du télétravail les ESN ont-elles trouvé chez leurs clients ?

Cette crise a obligé tout le monde à revoir ses modalités de travail. Les grandes organisations ont basculé à 70 % leurs effectifs en télétravail. En 8 à 10 jours de confinement, elles y sont arrivées sur fond de fortes sollicitations des ESN.

Le vrai enjeu a été la bascule d’ensemble de corps professionnels chez les entreprises clientes qui n’étaient pas forcément ancrées dans le numérique. Certaines d’entre elles ont dû basculer dans des environnements de télétravail moins maîtrisés dans le cadre de dispositifs de complément, de débordement et de sécurisation.

À quelles problématiques de gestion RH les ESN sont-elles confrontées ?

Chaque ESN a ses propres problématiques en fonction de sa taille, de sa géographie et de son positionnement. Le premier sujet majeur dans nos métiers, c’est la préservation de l’emploi si possible et l’agilité en nous adaptant à la demande des clients (poursuite de l’activité et du fonctionnement du système d’information).

Les ESN ont « re-fléché » un certain nombre de compétences dans ces domaines-là. Il a fallu repositionner certains services en fonction des projets plus ou moins prioritaires.Avec le déploiement du télétravail à grande échelle, trois sujets sont devenus plus sensibles :

  • la continuité opérationnelle des infrastructures ;
  • la sécurisation des réseaux ;
  • la protection des données.

Avec le phénomène d’épidémie et de crise qui va s’étirer sur une certaine période, les ESN ont commencé à recourir à deux catégories de moyens :

  • Le chômage partiel. Certaines ESN ont déposé des dossiers d’activité partielle, en particulier pour des fonctions supports, commerciales, marketing ou de développements informatiques et numériques ;
  • Les congés : avec les mesures prises par le gouvernement, il y a une possibilité d’utiliser les RTT. C’est le cas dans toutes les ESN. Nous parlons aussi des congés payés quand les droits sont acquis.

Les entreprises clientes commencent-elles à demander une suspension de projets informatiques ?

Il y aura forcément des projets non prioritaires qui seront arrêtés ou gelés. Certaines entreprises commencent à demander des aménagements sur la stratégie de leurs projets. Il existe le cas spécifique de la santé pour des besoins de logistique ou d’analyses des situations sanitaires.

Il y aura forcément des projets non prioritaires qui seront arrêtés ou gelés.

Certains secteurs sont en grande souffrance, comme l’aérien, le retail, l’hôtellerie ou le luxe en Asie. Leur business model s’est arrêté et il repartira dans des conditions non prédictibles. Et nous savons que les activités du numérique sont interdépendantes avec la stratégie de l’entreprise, avec les métiers entre le back-office et le front-office.

Dans cette période, nous nous adaptons pour voir comment moderniser l’infrastructure, abaisser les coûts de possession et améliorer les performances de l’IT.