Stéphane Seiller, GIP-MDS : « DSN : nous sommes parvenus à 90 % du potentiel de simplification »
Interview de Stéphane Seiller, qui a pris les fonctions de directeur général du GIP-MDS en avril 2025, qui détaille les prochaines étapes de la DSN et aborde la prochaine feuille de route 2027-2030.

Le déploiement de la DSN pour les entreprises du secteur privé a démarré en 2017. En 2025, où en est son développement ?
La DSN évolue en permanence chaque année. Après le secteur privé, elle a été élargie à la Fonction publique progressivement entre 2020 et 2022. Dorénavant, chaque mois, nous avons plus de 2,2 millions d’employeurs qui déclarent les salaires versés à travers la déclaration sociale nominative.
Nous sommes parvenus à 90 % du potentiel de simplification acquis par la DSN. Donc c’est un dispositif qui est désormais bien posé et qui fonctionne.
La DSN concerne tous les employeurs en France. Chaque mois, nous collectons des informations pour l’ensemble des salariés. Cela représente près de 30 millions de lignes individuelles de salaires pour lesquelles nous collectons les informations chaque mois.
Il faut rappeler le principe de la DSN qui a progressivement remplacé une multitude de déclarations de formalité sociale que l’ensemble des employeurs pouvaient faire pour les besoins d’une administration ou d’un organisme de protection sociale donné.
Nous décomptons près de 80 formulaires de données sociales qui ont été remplacés par la DSN. Il en reste probablement encore quelques-unes. Nous sommes en train d’évaluer le travail pour achever le processus.
Pour quelles raisons continuent-elles d’évoluer ?
La principale raison, c’est l’évolution des réglementations et de la législation en lien avec le fonctionnement de la protection sociale ou de l’impôt puisqu’on alimente aussi l’administration fiscale pour calculer l’impôt sur le revenu. Au rythme annuel des lois financières, la loi de finances de l’État ou la loi de financement de la Sécurité sociale, les champs fiscaux et sociaux génèrent des évolutions. Sans parler des règles propres à l’assurance chômage qui évoluent au rythme des négociations entre partenaires sociaux.
Nous sommes dans un univers qui bouge, et donc la DSN doit suivre le mouvement, puisqu’elle a vocation de collecter l’ensemble des informations nécessaires au fonctionnement de la protection sociale en France publique et complémentaire, ce qui couvre le secteur public, la Sécurité sociale, l’assurance chômage, la retraite complémentaire Agirc-Arrco, mais également le champ des organismes complémentaires pour la maladie, la santé, la prévoyance, la retraite, et la retraite collective d’entreprise.
Nous sommes dans la nécessité de régulièrement s’assurer que le dispositif répond à ses besoins. Donc, nous faisons évoluer la DSN avec le souci de ne pas recomplexifier le système qui a été introduit et présenté aux entreprises dans les années 2010 comme étant la révolution de simplification.
Tout est fait pour éviter de générer vis-à-vis des entreprises, des employeurs, des services RH et des gestionnaires de paie l’ajout de données à déclarer. On essaye de s’y tenir, même si ce n’est pas toujours possible.
De quels ajouts parlez-vous ?
Par exemple, récemment nous avons introduit le montant net social (MNS) qui consiste à mettre dans une donnée un résumé d’un calcul entre la base des revenus auxquels on soustrait les cotisations pour aboutir - en simplifiant la procédure - au MNS.
Pourquoi demander aux entreprises de déclarer le montant net social ? Avec ce dispositif, qui a été mis en place en mars 2025, nous répondons à une évolution importante : permettre aux allocataires du RSA et de la prime d’activité (qui concernent 6 millions de personnes salariées) qui doivent déclarer chaque trimestre leurs revenus pour le calcul de ces allocations.
Désormais, cette déclaration trimestrielle de ressources est préremplie grâce aux informations collectées par la DSN principalement. L’introduction du calcul du MNS, que les entreprises ont effectivement dû déclarer depuis 2024, n’a pas permis cette évolution dans le sens de la simplification.
Il faut garder en tête l’essentiel de la DSN qui fonctionne bien et qui collecte une base considérable d’informations : elle conserve son objectif originel d’apporter aux entreprises de la simplification. En contrepartie, il peut y avoir périodiquement quelques évolutions qui conduisent à demander aux employeurs de véhiculer via la DSN des informations nouvelles.
Pouvez-vous citer 3 exemples récents de projets de simplification en exploitant les ressources de la DSN ?
- Assurance chômage et attestation employeur. Traditionnellement, les employeurs déclarent les données véhiculées par la DSN. Lorsqu’une personne s’inscrit au chômage, elle devient demandeur d’emploi. France Travail récupère les données nécessaires pour calculer les allocations au chômage. Pour autant, historiquement, on demande à un employeur de remettre au salarié qui quitte l’entreprise une attestation employeur qui comprend des informations déjà transmises automatiquement à France Travail.
- Pourquoi maintenir cette formalité qui conduit l’employeur à récupérer des informations au format PDF que lui retransmet France Travail ? Alors même que France Travail a élaboré ce PDF à partir des données transmises par l’employeur ! L’employeur a la charge d’imprimer le document et de le signer !. Cette attestation employeur représente un volume de plus de 20 millions de documents imprimés et signés chaque année. Alors pourquoi conserver ce circuit un peu baroque et quel sens lui donner ?
- Le processus va être simplifié prochainement avec la publication d’un décret :
- Côté entreprise : les informations transmises par la DSN permettant à France Travail de calculer les droits d’assurance chômage, l’employeur n’aura plus qu’à récupérer ce document, l’imprimer et le remettre au salarié.
- Côté salarié, il pourra s’organiser, consulter et télécharger les informations qui seront accessibles sous la forme d’un document disponible sur un espace personnel sur le site Internet public Mes droits sociaux, géré par la direction de la Sécurité sociale. Chacun d’entre nous peut y retrouver des informations qui lui expliquent ses droits sociaux. En 2027, chaque salarié qui aura quitté une entreprise pourra voir les informations dont France Travail dispose pour calculer ses allocations.
- Arrêt maladie et temps partiel thérapeutique. Par la DSN, nous collectons toutes les informations qui permettent à l’assurance maladie d’indemniser les arrêts de travail, sauf une situation qui se développe depuis plusieurs années : le temps partiel thérapeutique. Rappelons le concept : quand une personne a eu un arrêt de travail mais que le médecin estime que la reprise de travail est possible mais pas à plein temps, elle peut accéder à un temps partiel thérapeutique.
- Jusqu’ici, le temps partiel thérapeutique ne pouvait pas être pris en compte avec la DSN pour différentes raisons complexes. Le fait que le temps partiel thérapeutique ne puisse pas être véhiculé via la DSN correctement, pour permettre à l’assurance maladie de prendre en charge les prestations de temps partiel thérapeutique, est une source de difficulté.
- Pour permettre à l’assurance maladie d’avoir les salaires qui permettent de calculer les indemnités journalières (IJ), certaines entreprises utilisent encore une formalité historique (l’attestation de salaire ou DSIJ), plutôt que d’utiliser la DSN. 30 % des employeurs l’utilisent encore, considérant que la DSN n’était pas complète car il manquait le temps partiel thérapeutique.
- Du côté du GIP-MDS, nous avons pris ce sujet à bras-le-corps pour finaliser les travaux nécessaires : à compter de 2027, le temps partiel thérapeutique pourra être déclaré par la DSN. Ainsi, nous couvrirons l’ensemble du sujet des IJ.
- Arrêt maladie et arrêt de travail. Actuellement, lorsque l’employeur a connaissance de l’arrêt de travail, il doit faire un signalement via la DSN pour informer l’assurance maladie. Alors que l’assurance maladie dispose déjà de l’information par le médecin prescripteur de l’arrêt. L’employeur doit aussi véhiculer les informations de salaire. Ces informations sont déjà véhiculées par la DSN chaque mois. Donc on travaille avec l’assurance maladie, les représentants des employeurs et les éditeurs de solutions de paie à cette simplification qui permettra de supprimer des millions de signalements d’arrêt de travail chaque année.
Pour les 2 premiers sujets comme je viens de parler (assurance chômage et attestation employeur, temps partiel thérapeutique), les changements devraient intervenir d’ici 2027.
Pour la simplification de l’ensemble des arrêts maladie, le travail de préparation est plus conséquent car il concerne les circuits, les procédures au sein des entreprises et des employeurs, mais aussi les chaînes informatiques de l’assurance maladie. C’est un projet qui devrait aboutir d’ici 2030.
Nous voyons le potentiel de simplification que ces changements peuvent représenter. Nous sommes quasiment à l’aboutissement d’une seule déclaration unique qui servira à l’ensemble des parties prenantes concernées. Il existe encore dans le paysage certaines formalités dont on peut remettre en cause l’existence en raison de la DSN.
Il existe encore d’autres sujets plus ponctuels et de moindre mesure sur lesquels nous travaillons. Nous en discutons avec des instances représentant les employeurs, les éditeurs, les administrations ou organismes concernés.
Une nouvelle feuille de route pour les chantiers du GIP-MDS sera établie pour la période 2027-2030. Quels seront les nouveaux axes majeurs de travail ?
Nous préparons activement la discussion avec les membres du GIP-MDS qui va démarrer en automne. C’est peut-être la seule structure en France, qui réunit l’ensemble des composants publics ou privés de la protection sociale, en plus des administrations. Ces membres financent l’activité du groupement pour mettre en commun des moyens et proposer des services les plus mutualisés possibles.
La raison d’être du GIP-MDS, c’est de l’efficience, à la fois par des processus plus simples pour les employeurs et pour les organismes en proposant des services communs et éviter des redondances.
Les nouveaux objectifs et les moyens seront fixés dans le courant du premier semestre 2026. Il existe plusieurs enjeux :
- Assurer le fonctionnement compte tenu des systèmes d’une très grande complexité. Certains d’entre eux ont été montés avec succès dans les années 2010, avec des technologies qui étaient matures et sûres à l’époque.
- L’enjeu de cette feuille de route, sur le plan technique des infrastructures, c’est aussi de projeter ces systèmes au-delà de la fin de la prochaine échéance de la prochaine feuille de route (2 030).
- On parle de la DSN mais aussi de son petit frère PASRAU : il collecte le même type d’informations non pas sur les salaires mais sur les prestations sociales versées par les organismes.
- Avantage : entre la DSN sur les salaires et PASRAU sur les prestations sociales, le dispositif permet d’avoir une vue globale sur l’ensemble des ressources des personnes liées aux revenus d’activité et aux prestations sociales.
- Au bout de la chaîne, il permet, par exemple, de faire le prélèvement à la source d’impôt sur le revenu ou de calculer les prestations sociales sous les conditions de ressources, le RSA, la prime d’activité, etc.
- Poursuivre l’œuvre de simplification. Un axe à maintenir fermement pour rendre la vie des employeurs plus simple (en évitant des démarches redondantes de déclaration par exemple) et favoriser le potentiel d’exploitation des données dans une logique de développement des usages par les administrations et les organismes publics.
- Approfondir le numérique responsable. La mise en œuvre des traitements complexes de données consomme de la ressource numérique. Nous rencontrons un enjeu de sobriété. C’est un sujet sur lequel nous voulons nous montrer exemplaires.
Sur la partie technologique et d’exploitation des données, vous inscrivez-vous dans une approche open data ?
Il faut se méfier des termes ! Pour rappel, la DSN est constituée de lignes individuelles. Évidemment, nous sommes comptables et responsables de la confidentialité qui s’attache à ces données. Par conséquent, nous ne pouvons pas faire d’open data sur les données collectées. Nous travaillons uniquement sur les données à des buts d’agrégations de statistiques sur lesquelles il n’y ait aucun risque de réidentification d’éléments d’informations individuelles.
- Nous développons des indicateurs statistiques de gestion RH mis à disposition des entreprises.
- C’est le sens du service dénommé Indicateurs Entreprises disponible sur le portail net-entreprises.fr, exploité par le GIP-MDS, pour effectuer leurs formalités administratives et sociales.
- On a rodé le service début 2025. On l’enrichit progressivement d’indicateurs RH qui permettent à l’entreprise de se positionner par rapport à des moyennes sur divers critères (secteur d’activité, zone géographique…). Tout cela en respectant la confidentialité des données. Par exemple, le service Indicateurs Entreprises permet de calculer le salaire moyen pratiqué dans une entreprise d’un secteur d’activité par rapport à ses concurrents dans un périmètre géographique déterminé.
Comment travaillez-vous avec les éditeurs de solutions de gestion de paie ?
Nous travaillons de manière intense avec eux depuis la mise en place de la DSN. Chaque mois, nous organisons une réunion avec l’ensemble des éditeurs qui ont signé la charte à travers laquelle ils s’engagent auprès des destinateurs des données donc des organismes.
Chaque mois, les éditeurs signataires ont accès à diverses instances de travail et de co-construction et d’échanges d’information. Chaque trimestre, une réunion est organisée entre le GIP-MDS et les grands éditeurs qui couvrent 80 ou 90 % de la paie en France. Nous faisons le point en permanence sur des problématiques rencontrés par chaque éditeur, en vue de corrections logicielles.
Parallèlement, je suis également responsable de la mission interministérielle des Données sociales. Pour le compte des administrations, je supervise l’ensemble de ces systèmes. Cette fonction me permet de mener des discussions sur les futures législations et réglementations dans un mode exploratoire, d’échanger très en amont avec l’administration et d’avoir un retour sur la faisabilité pratique des nouvelles dispositions côté employeurs et côté éditeurs de solutions de paie à travers le Groupe de contact DSN.
Nous recensons 250 éditeurs en contact avec nous. Il faut probablement doubler le nombre d’éditeurs de la gestion de la paie en France pour disposer d’un panorama global. Sachant que la DSN se fait par une vingtaine d’éditeurs, qui couvrent 95 % de la paie en France. Nous dénombrons entre 500-600 versions logicielles différentes de logiciels de paie qui tournent en France.
Comment exploitez-vous l’IA ?
Nous y allons prudemment ne serait-ce que par respect de la sobriété numérique. Nous l’utilisons de 2 manières en l’état actuel :
- l’IA générative permet de faire la synthèse des consignes déclaratives. Sur net-entreprises.fr, nous avons une base de connaissances qui permet d’expliquer aux entreprises la façon de faire la DSN en fonction d’angles précis. Des centaines de consignes ont été données. Quand on appelle un sujet, une synthèse est générée par l’IA. Ce service a été mis en place en avril 2025.
- l’IA commence aussi à être utilisée pour faciliter la mise sous surveillance des systèmes informatiques exploités, sous un angle d’hypervision.