Formation

Métavers et formation : des pistes encore exploratoires pour tirer le meilleur du digital

Par Philippe Guerrier | Le | Digital learning

Table ronde UHFP 2023 : Marie Attard (Kwark Education), Pascal Miché (CCCA-BTP) et Yannig Raffenel (EdTech France) partagent leurs points de vue et leurs expériences sur les environnements immersifs appliqués aux parcours de formation.

UHFP 2023 à Cannes : table ronde métavers et formation - © Ifocop
UHFP 2023 à Cannes : table ronde métavers et formation - © Ifocop

Une table ronde organisée le 26 janvier 2023 dans le cadre de l’UHFP (Université d’hiver de la formation professionnelle) à Cannes sous la houlette de Centre Inffo a permis de faire le point sur l’exploration des métavers dans les parcours de formation.

Trois experts sont intervenus pour partager leurs points de vue et leurs expériences : 

  • Marie Attard, Secrétaire générale de Kwark Education ;
  • Pascal Miché, Responsable Pôle Ingénierie et Innovation pédagogique du CCCA-BTP ;
  • Yannig Raffenel, Président EdTech France.

Marie Attard, Kwark Education : « Une trentaine de clients dans le métavers, dont des centres de formation » 

  • Marie Attard - © D.R.
    Marie Attard - © D.R.

    « Kwark Education est une société spécialisée dans le digital learning et la formation en environnement digital. En 2022, nous avons développé le premier métavers éducatif baptisé MetaKwark. Nous sommes en mesure de proposer des métavers personnalisés en fonction des besoins de nos clients, avec l’appui de notre partenaire technologique Manzalab.

  • Sur le volet métavers, nous travaillons avec une trentaine de clients, surtout des entreprises dans le retail, les services, les transports et les télécoms. Nous avons aussi des centres de formation comme Ifocop.
  • Avant de déployer un métavers dans une organisation, c’est important d’avoir une phase initiale de réflexion d’au moins un an. Nous avançons essentiellement par voie d’expérimentation avec nos clients. Elles concernent souvent la gestion RH, comme l’onboarding, l’événementiel, le recrutement et la fidélisation, et la formation. Nous travaillons beaucoup avec des universités d’entreprise dans ce sens.
  • La vibration humaine dans le métavers se situe dans les échanges. Au regard des expérimentations entreprises, nous avons observé que les apprenants les plus timides s’expriment plus facilement dans les environnements immersifs. Nous sommes dans une transformation sociale avec la libération de la parole dans le travail et l’apprentissage en mode projet. Ce sera important à prendre en compte dans la formation à des nouveaux métiers dans le cadre du plan d’investissement France 2030.
  • Le recours aux environnements immersifs constituent aussi un changement pour les formateurs, qui craignent de voir leur fonction disparaître. En fait, il s’agit surtout de faire évoluer leurs pratiques en intégrant l’usage de nouveaux outils. »

Pascal Miché, CCCA-BTP : « L’usage du métavers devient pertinent en démontrant l’intérêt pédagogique »

  • Pascal Miché - © D.R.
    Pascal Miché - © D.R.

    « À travers l’offre de services CCCA-BTP, nous voulons améliorer la qualité des apprentissages dans les organismes de formation des métiers du bâtiment. Cela passe par l’innovation, notamment les environnements immersifs.

  • Dans le parcours d’enseignement, le métavers est à percevoir comme un complément. Il ne vient pas remplacer une modalité pédagogique. Son usage devient pertinent pour les formateurs à partir du moment où l’on démontre l’intérêt pédagogique. Lorsque nous avons élaboré nos premiers modules de métavers, nous avons beaucoup mis l’accent sur la partie de la méthodologie de travail avec des situations concrètes de chantier afin que l’apprenant gagne en autonomie. »

Deffinum : les contours du projet CCCA-BTP qui commence début 2023

• « Le deuxième étage de la fusée, c’est la partie ingénierie pédagogique. Sur ce volet, le CCCA-BTP a répondu à l’appel à projets Deffinum du Haut-Commissariat aux compétences lancé en juin 2021. Nous faisons partie des projets retenus dans la liste officielle diffusée en novembre 2022.
• Ce projet, qui s’étalera sur 3 ans, regroupe 18 organismes de formation aux métiers du BTP sur 60 sites et embarque près de 300 formateurs. Il a pour objectif d’hybrider les formations, en intégrant notamment de nombreuses modalités immersives. Les organismes de formation qui nous accompagnent développeront une centaine de modules en VR, une vingtaine de maquettes numériques, des serious games, des escape games, des applications en réalité augmentée… Nous pourrons aussi travailler sur l’interopérabilité des métiers à prendre en compte dans le cadre de ce que l’on appelle des pathologies du bâtiment. La première réunion de lancement se déroulera début 2023.
• Pour faciliter l’adoption des modules auprès des organismes de formation et d’apprentissage du BTP, nous les mutualiserons à travers une plateforme de type Netflix baptisée E-Mersive BTP. La plateforme technique est prête et sera mise à disposition très prochainement. L’arborescence de cet espace a été établie par filières (métiers de la finition, du bois, du verre…).
• La plateforme intègrera aussi une bibliothèque d’assets en vue d’un usage ultérieur par des cellules de développement et des formateurs pour créer d’autres modules, développer plus vite et réduire les coûts. 
• Au-delà des apprentissages techniques du BTP, le projet Deffinum comporte aussi des enseignements généraux comme le français, les mathématiques, et les langues par voies immersives », déclare Pascal Miché.

  • « En matière d’environnement immersif, des groupes de développeurs et de formateurs ont été mis à contribution dans tout ce qui a été réalisé pour le compte du CCCA-BTP. Nous nous sommes rendu compte que cela stimulait la créativité des formateurs. À partir d’un seul module portant sur une activité donnée, ils peuvent disposer d’une multitude de scénarios à proposer aux jeunes. C’est le cas pour la pose de fenêtres en fonction des supports par exemple.
  • En construisant les modules, nous nous sommes appuyés dès le départ sur les référentiels métiers avec des tâches à mener en environnement immersif. L’exercice permet d’en discuter juste après en groupe au sein d’un CFA et de remédier aux erreurs commises par les apprenants. »

Yannig Raffenel (EdTech France) : « Il faut chercher le meilleur du digital avec l’hybridation des usages »

  • Yannig Raffenel - © D.R.
    Yannig Raffenel - © D.R.

    « La crise Covid-19 a imposé une prise de conscience de la nécessité d’utiliser des outils numériques, mais cette période correspond également à une certaine régression avec la mise en place de classes virtuelles établies dans l’urgence au nom de la continuité pédagogique pour passer du présentiel au distanciel. Sur fond de transformation et d’innovation, c’est le meilleur du digital qu’il faut chercher en déterminant le curseur dans l’hybridation des usages. »

La filière Ed Tech en train de se structurer

• « Notre association EdTech France regroupe actuellement 450 entreprises de la filière Ed Tech qui travaillent dans le monde de l’éducation, de l’enseignement supérieur ou de la formation professionnelle et qui utilisent principalement le numérique.
• En l’état actuel, la filière en train de se structurer pèse 1,2 milliard d’euros en France et 8000 emplois.
• Entre 30 et 40 sociétés membres de l’Ed Tech France travaillent vraiment sur le créneau des technologies XR. »

  • « Transposer uniquement la réalité dans le métavers, cela ne marche pas et ne peut provoquer qu’une dégradation de l’expérience pédagogique. Il faut aller plus loin pour apprendre, communiquer autrement et inventer des modalités pédagogiques en replaçant tous les acteurs de l’écosystème. Une expérience valorisante de formation à travers des outils est importante pour embarquer et accrocher dans nos métiers les jeunes ancrés dans une culture numérique. »

XR : les pistes technologiques privilégiées

• « Les équipements de casques VR peuvent entraîner des risques de troubles liés à son usage. Au départ, nous ne disposions que de casques filaires. Dorénavant, ils sont autonomes. Les technologies ont évolué, notamment avec l’OpenXR. Cela permet de décliner automatiquement les contenus pour casques VR filaires aux casques autonomes. Parallèlement, il faut d’ores et déjà réfléchir à la gestion des parcs de casques VR pour optimiser les coûts : achats, locations… Au-delà de la création de modules pour casques VR, il est possible de concevoir des déclinaisons full web pour un usage sur les ordinateurs sur un écran plat en mode simulateur », déclare Pascal Miché, qui indique également qu’une application AR a été développée pour le compte du CCCA-BTP.
• « Chez Kwark Education, nous avons choisi de privilégier la VR par full web plutôt que le recours à des casques VR. C’est une démarche volontaire, tout en restant ouvert à l’innovation », indique Marie Attard (Kwark Education).
• « La prochaine révolution XR viendra de l’AR avec l’essor de lunettes AR. Nous sommes dans la fusion entre l’information immersive et sa diffusion personnalisée en temps réel en situation de travail. C’est de l’Afest associée au meilleur du digital. Apple travaille beaucoup sur ce sujet de manière active. Le tsunami arrivera dans les 3 prochaines années, impliquant une transformation de nos métiers. Il permettra des usages spectaculaires, notamment en termes de pédagogie », ajoute Yannig Raffenel (Ed Tech France).

(Full disclosure : table ronde animée par Philippe Guerrier pour News Tank RH - RH Matin, auteur de l’article)

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