Véronique Saubot, Simplon : « Apprentissage : nous sommes impactés par cette réforme »
« La réforme de l’apprentissage est préoccupante pour nos activités, même si nous avons de la ressource », déclare Véronique Saubot, CEO de Simplon. Dans le prolongement de ses missions, l’organisme de formation à impact a déposé un dossier de reprise de Wild Code School en redressement judiciaire.

Alors que Simplon célèbre ses 12 ans, Véronique Saubot, CEO de l’organisme de formation à impact, déploie son plan stratégique 2025-2028.
Sa vocation inclusive visant à initier massivement tous les publics aux métiers de la Tech en France se poursuit : plus de 40 000 personnes concernées depuis 2013.
Le volet de la formation des salariés en entreprise devrait monter en puissance progressivement, tout comme l’intensification de l’internationalisation (avec des relais dans 24 autres pays, hors France).
Simplon se démarque aussi avec son bouquet de partenariats avec des groupes numériques qui comptent comme Microsoft, Apple, Meta, OpenAI et IBM.
Le 15 mai 2025, le centre de formation a organisé dans son quartier général de Montreuil (Seine-Saint-Denis) une soirée avec ces partenaires qui a permis de réaliser des focus sur des thèmes comme le recrutement inclusif et la formation avec l’essor de l’IA générative en toile de fond.
En marge de l’événement, Véronique Saubot a présenté à News Tank RH et RH Matin ses priorités alors que la réforme du financement de l’apprentissage, décidée par le gouvernement, complique ses missions.
Dans le plan stratégique 2025-2028 de Simplon, les services BtoB devraient représenter 40 % du CA d’ici 2028. Quels leviers allez-vous exploiter ?
Chez Simplon, les services BtoB englobent la formation des salariés aux métiers du numérique (montée en compétences, reconversion…).
Historiquement, nous étions vraiment une fabrique inclusive en se tournant vers les demandeurs d’emploi avec l’appui de financements institutionnels et publics en vue d’une réinsertion dans l’emploi.
Aujourd’hui, avec l’impact social en lien avec l’accélération des transformations, notamment avec l’IA, il faut également s’occuper des salariés. 75 % d’entre eux demandent à être formés à l’IA.
C’est une manière de répondre à leur crainte vis-à-vis de l’IA susceptible de les remplacer. Entre menace et fantasme, nous devons agir en matière de formation. Je ne pense pas que l’IA remplacera des fonctions. En revanche, elle modifiera sensiblement l’organisation du travail.
En 2024, 15 à 20 % de nos activités sont liées à la formation des salariés. Pour passer à 40 % de notre CA, nous avons recruté des personnes spécialisées dans ce domaine et monté une offre dédiée.
Il faut s’adapter à chaque univers de l’entreprise et favoriser des formations sur-mesure.
- Nous travaillons beaucoup avec Groupe La Poste qui a élaboré des programmes de reconversion interne de leurs salariés. Plusieurs centaines de profils comme les facteurs ou les conseillers clientèles de sa filiale La Banque Postale sont concernés.
- Nous travaillons avec beaucoup de populations aux profils différents chez Schneider Electric, Safran et les ESN.
Le développement international des activités de Simplon, supervisé par une dizaine de personnes depuis notre siège à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et exploitée sous un mode de franchise, prend aussi de l’ampleur entre le Sénégal et le Maroc pour couvrir la zone de l’Afrique subsaharienne francophone avec l’appui de partenaires locaux qui assurent la dimension opérationnelle.
Nous avons aussi des projets en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun, mais aussi dans des pays comme le Cambodge, l’Inde ou le Costa Rica.
Avec l’essor de l’IA, dans quelle mesure avez-vous modifié votre offre de formation ?
Nous avons complètement remis à plat l’ensemble de nos formations, en intégrant la dimension de l’IA générative. Cela concerne aussi nos salariés.
Le deuxième volet de notre plan stratégique porte sur la personnalisation de la gestion de l’apprentissage et de la montée en compétences. Depuis la création de Simplon, le parti pris de l’innovation est marqué. Nous voulons mettre à disposition de nos apprenants des outils qui sont assez fins pour évaluer l’apprentissage de façon détaillée.
- Prenons un exemple pour une personne qui suit une formation de six mois sur des infrastructures techniques ou sur du développement à l’IA et qui aboutit à un diplôme ou à une certification.
- Chez Simplon, nous disposons d’un outil pour réaliser un découpage fin en sous-modules pour accompagner la montée en compétences jusqu’à la certification. Le formateur a la capacité d’évaluer la maîtrise de l’apprentissage découpée en morceaux.
- Avec l’IA, nous voulons davantage personnaliser l’apprentissage et apporter plus d’éléments contextuels pour favoriser l’engagement de l’apprenant.
Dans quelle mesure la réforme du financement de l’apprentissage décidée par le Gouvernement impacte-t-elle les activités de Simplon ?
Nous sommes évidemment impactés par cette réforme. Car certaines régions comme l’Île-de-France avaient pris la main de manière opérationnelle sur le PIC. Mais, avec la réforme gouvernementale en cours, elles ont tendance à se désengager en pointant du doigt la responsabilité de l’État. France Travail a vocation à prendre le relais sur le financement, mais cela prend du temps.
Dans l’attente, nous observons une chute des bons de commande du côté de Simplon. C’est préoccupant pour les activités, même si nous avons de la ressource. Nous continuons à avancer dans l’appropriation des compétences numériques, un besoin qui demeure important quel que soit le secteur d’activité, et sur le volet de la formation des salariés en entreprise.
Mais, entre les réductions budgétaires dans le public parfois violentes (comme les coups de rabot dans les niveaux de prise en charge dans le financement de l’apprentissage, en particulier les formations à distance) et un ralentissement indéniable d’activité en matière de formation dans des grandes régions comme les Hauts-de-France, l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, le timing pose des questions.
Tout cela nous oblige à trouver d’autres leviers de performance pour dérouler notre plan stratégique qui avait été établi avant de connaître les contours de la réforme.
À l’international, il existe des opportunités, malgré des réductions budgétaires qui concernent des fonds institutionnels et internationaux comme l’AFD. Pour le cas de Simplon, cela passera peut-être par un rééquilibrage budgétaire entre financements public et privé.
Comment évolue le partenariat historique signé avec Microsoft ?
Cela se passe très bien. C’est vraiment un partenariat sérieux qui continue à se développer.
Récemment, nous avons lancé le programme GenIAles via Simplon Foundation pour initier plusieurs milliers de femmes à l’utilisation des IA génératives et à les familiariser avec ces technologies. Ce sont des programmes d’acculturation sur quatre jours à l’usage de l’IA, en présentiel ou en distanciel, lancés dans une dizaine de villes.
Nous constatons un profond déséquilibre à ce sujet :
- les femmes utilisent moins les IA génératives que les hommes ;
- moins de 6 % des sotfware avec de l’IA sont conçus par des femmes ;
- il y a en moyenne seulement 18 % de femmes dans la tech.
Comment expliquez-vous ce déséquilibre de mixité entre les femmes et les hommes dans le domaine du numérique ?
Je perçois une certaine autolimitation chez les femmes en considérant que, par nature, elles sont moins qualifiées que les hommes. Même après leur intégration dans le métier, les femmes se révèlent moins confiantes.
Ce manque de confiance est une tendance qui dépasse la France. Aux États-Unis, les leaders de la Silicon Valley sont presque exclusivement masculins.
Les représentations biaisées apparaissent dès le collège. La trajectoire dévie avec des jeunes filles qui ne s’intéressent pas aux filières scientifiques et qui ont une image non sociale du monde technologique. Il faut donc agir à ce stade pour sensibiliser les élèves à travers des ateliers dédiés.
Les jeunes filles considèrent que le secteur du numérique est réservé aux garçons boutonneux en train de jouer à des jeux vidéo dans sa chambre avec les rideaux fermés. Cette image ne les attire pas du tout.
Au lycée, la situation ne s’était pas arrangée avec la réforme de 2019 qui a éloigné les jeunes encore un peu plus des mathématiques. Heureusement, l’Éducation nationale a fait machine arrière mais nous avons perdu une génération entre-temps. Il faut garder de l’appétence pour les sciences.
Reprise de Wild Code School : prise de position de Simplon
Simplon confirme sa volonté de reprendre Wild Code School sur fond de procédure de redressement judiciaire enclenchée le 15 avril 2025 devant le Tribunal des activités économiques de Paris.
Fondé en 2013, ce réseau de campus d’apprentissage des métiers du numérique a été historiquement exploité par la société Innov’Educ, puis il a basculé dans le giron du consortium européen Future Group.
« Il y a une dizaine de candidats qui se sont manifestés pour la reprise de Wild Code School mais deux se montrent plus solides et crédibles : Simplon et Galileo Global Education », déclare Alexandre Chervet, Directeur général adjoint de Simplon.
« Sur le marché de la formation professionnelle, nous avons des modèles différents sur les dispositifs du financement autour des métiers du numérique. Simplon, c’est essentiellement des marchés publics et privés avec des prises en charge financières à 100 % de nos apprenants. Du côté de Wild Code School, c’est plutôt un modèle B2C avec des apprenants qui contribuent financièrement directement via le CPF en particulier.
Pour Simplon, la reprise de Wild Code School permettrait d’accélérer sur l’enjeu de diversification, en allant sur des dispositifs du marché de la formation professionnelle sur lesquels nous ne sommes pas présents. Autre élément de différenciation : l’exploitation de 11 titres RNCP côté Simplon vs 1 du côté de Wild Code School.
Avec notre offre de reprise, nous sommes prêts à reprendre une trentaine de collaborateurs de Wild Code School sur une centaine actuellement, et nous proposerons aussi des solutions pour les formateurs qui ne seront pas repris. Quant aux six campus Wild Code School (Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Paris, Toulouse), ils seront mutualisés avec les écoles du réseau Simplon (55 implantations sur le territoire national) », indique Alexandre Chervet.
La décision du tribunal pour la reprise de Wild Code School doit être rendue d’ici mi-juin 2025.
Découvrez l’intégralité de l’interview de Véronique Saubot, CEO de Simplon, sur News Tank RH (accès « Découverte »).