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L’Oréal : « Notre incubateur fournit un cadre à l’innovation RH »

Le | Digital learning

En 2017, L’Oréal a créé un incubateur dédié à l’innovation RH : Disrupt RH. Ce lab permet notamment aux 1600 professionnels RH du groupe leader en produits cosmétiques d’effectuer une veille technologique dans leur domaine de prédilection. Le point avec Bertrand de Laleu, DRH international des métiers RH chez L’Oréal.

L’Oréal : « Notre incubateur fournit un cadre à l’innovation RH »
L’Oréal : « Notre incubateur fournit un cadre à l’innovation RH »

Quelle est la genèse de « Disrupt RH » ?

En 2017, la direction générale de L’Oréal a lancé un programme de transformation appelé « Simplicity », visant à repenser les modes de travail, le management des équipes… L’un des moteurs de ce programme était la « customer centricity », c’est-à-dire, dans le cadre RH, le fait de considérer nos collaborateurs comme nos clients. Il y a deux ans, nous avons donc organisé une « learning expedition » sur ce thème. Nous sommes partis à Londres. Le marché du travail est tendu sur place, d’où les nombreuses initiatives pour attirer les candidats et fidéliser les collaborateurs. En voulant s’inspirer des bonnes pratiques anglaise, nous avons pris conscience que nous devions donner un cadre à l’innovation RH. En octobre 2017, nous avons ainsi créé un think tank appelé « Disrupt RH », qui avait pour but de regrouper toutes les idées nées en interne. Mi-2018, il s’est transformé en incubateur d’innovations.

Quelle est l’ambition de cet incubateur ?

Sur la base du volontariat, cet incubateur rassemble des collaborateurs de plusieurs pays issus des ressources humaines mais aussi du business. Nous ne le voyons pas comme un microcosme, mais plutôt comme une organisation qui permet à nos 1600 professionnels RH d’être irrigués sur les sujets liés à l’innovation RH. Le marché des technologies RH a explosé ces dernières années et il nous a semblé intéressant de créer un incubateur chargé d’identifier les besoins RH que les outils digitaux peuvent désormais adresser. Toutefois, nous ne nous contentons pas de faire un tri parmi les partenaires technologiques du marché. Nous avons également créé une méthodologie, basée sur la sélection et le « test & learn ». Nous nous intéressons à trois thèmes principaux : l’attraction, le développement et l’engagement des talents.

Quelles initiatives RH sont nées de cet incubateur ?

Même si notre incubateur est encore jeune, beaucoup d’initiatives y ont déjà vu le jour. Nous avons mené plusieurs expérimentations sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le recrutement, à la fois pour mieux gérer les premières interactions entre un candidat et notre groupe, via un chatbot, mais aussi pour gérer le volume de candidatures que nous recevons. En Chine, un algorithme est actuellement testé : il envoie 5 questions aux candidats dès le début du processus de recrutement et permet ainsi aux équipes RH d’en savoir davantage sur leur future adéquation avec l’entreprise. Si cette information est donnée à titre indicatif, elle facilite le travail de tri des recruteurs. Elle évite également les stéréotypes liés, par exemple, à la qualité des études suivies et que le cerveau humain a tendance à reproduire.

Cette approche vous permet-elle d’être dans une démarche prospective sur le volet RH ?

Oui ! Via notre incubateur, nous avons par exemple testé une plateforme d’idéation qui nous a servi pour construire notre vision à long terme. Toute la communauté RH de L’Oréal a été consultée pour savoir comment elle projetait son métier dans le futur. La plateforme nous a permis de stimuler nos échanges, d’enrichir les propositions des uns et des autres, de détecter les signaux faibles…
Nous avons confronté cette synthèse avec des « insights » issus d’une learning expédition dans les pays scandinaves, qui sont à la pointe sur les sujets liés à la qualité de vie au travail, à l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle, à l’environnement… Corrélé au travail de prospective mené par la Direction générale sur l’évolution de la beauté et de son marché, ce travail a finalement abouti à l’élaboration de notre stratégie « People Vision 2030 ».

Quelle problématique RH suscite aujourd’hui votre attention ?

Nous sommes attentifs à « l’empowerment » des collaborateurs. C’est un sujet stratégique pour nous. Il est aussi universel mais n’appelle pas toujours la même réponse. En France par exemple, il n’est pas possible de plaquer un modèle d’empowerment issu d’un autre pays latin. Notre pays, qui a de multiples frontières, est hybride et complexe. La culture du leader est y forte, tout comme une forme de rébellion.
Ce sujet - comme beaucoup d’autres - appelle de nombreux changements qui seront toutefois longs à mettre en oeuvre. Lorsque nous initions des actions pour que nos collaborateurs aient davantage leur mot à dire en matière de rémunérations par exemple, nous nous heurtons à plusieurs années de pratiques, qu’il faut entièrement repenser.

Comment choisissez-vous vos partenaires technologiques ?

La nationalité des prestataires avec lesquels nous travaillons nous importe peu. L’Oréal est un groupe planétaire : si nous tissons des partenariats avec des start-up, il faut toutefois que leur approche soit globalisée. Ou a minima que leur solution prenne en compte une dimension multi-culturelle. L’Oréal est un groupe intégré, non une holding : nous cherchons donc une grande cohérence dans notre stratégie de recrutement, de gestion des collaborateurs, de gestion de la mobilité… C’est une difficulté au quotidien puisque nous rencontrons régulièrement des start-up qui ont de bonnes idées mais qui sont encore très locales, donc dans l’incapacité de suivre notre groupe et nos 50 filiales à l’échelle mondiale.

Par Aurélie Tachot