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Création DREETS et DDETS : un bilan d’étape « mitigé »

Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement

Les DREETS et DDETS manquent d’efficacité, selon la Cour des Comptes. C’est pourtant les structures locales de référence pour les entreprises et les organisations sur les sujets économiques, administratifs et sociaux.

Gestion des DREETS et DDETS : le bilan d’étape est « mitigé » selon la Cour des Comptes - © D.R.
Gestion des DREETS et DDETS : le bilan d’étape est « mitigé » selon la Cour des Comptes - © D.R.

« Mitigé ». C’est le bilan d’étape dressé par la Cour des Comptes à propos de la création des DREETS (directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et des DDETS-PP (directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations).

Ces structures publiques servent d’interlocutrices de référence de l’Etat au niveau des régions et des départements pour accompagner les organisations et les entreprises sur les questions économiques, administratives et sociales.

Le rapport a été publié sur le site Internet de la Cour des Comptes le 29 avril 2024 après une délibération interne survenue le 16 février 2024. 

Le contexte 

Le 12 juin 2019, Edouard Philippe, alors Premier ministre, a annoncé une nouvelle réforme de l’organisation territoriale de l’État, dans le cadre de l’initiative « Action publique 2022 ».

Objectif : « recentrer les services territoriaux sur les missions prioritaires de l’État », en prenant en compte l’évolution de la répartition des compétences avec les collectivités locales.

Au sein d’une même entité (DREETS à un niveau régional et DDETS-PP à un niveau départemental), des services en charge de la cohésion sociale (directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et directions départementales de la cohésion sociale) et de l’insertion professionnelle (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont été rapprochés depuis avril 2021.

Objectif : « matérialiser, dans l’organisation de l’État, les principes et objectifs du nouveau service public de l’insertion et de l’emploi ».

L’organisation

Organisation dépeinte par la Cour des Comptes

• 11 directions régionales des entreprises, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ; 
• 47 directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) ;
• 45 directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP) ;
• 1 direction régionale et interdépartementale des entreprises, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS Île-de-France) ;
• 3 directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) outre-mer ; 
• 1 direction générale de la cohésion et des populations en Guyane ;
• 1 direction de la cohésion sociale, du travail, de l’emploi et de la population à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La création des DREETS et DDETS-PP a entraîné « de profonds changements pour les agents qui composaient précédemment les DRDJSCS, Direccte et DDCS-PP », selon le rapport de la Cour des Comptes à propos du volet de l’organisation territoriale.

Alors qu’elle était justifiée par la volonté de rapprocher, au sein de l’État territorial, les acteurs de l’insertion sociale et ceux de l’insertion professionnelle, « la création des DREETS et DDETS-PP a entraîné avec elle l’ensemble des composantes des anciennes directions, non concernées par les autres aspects de la réforme de 2019 ».

La Cour des Comptes dressent d’autres constats au goût amer.

  • « L’intégration de l’inspection du travail au sein de la nouvelle organisation a ainsi été réalisée, malgré les réserves du ministère du Travail, selon des modalités qui ne remettent pas en cause la ligne hiérarchique directe propre au système d’inspection du travail;
  •  »Il en a été de même s’agissant des nombreuses missions assurées, qui n’ont pas été révisées en amont de la réforme, en vue d’améliorer leur cohérence.« 

Préfiguration des DREETS et DDETS-PP « particulièrement difficile »

Plusieurs facteurs ont été identifiés pour expliquer cette complexité, selon la Cour des Comptes.

  • « Le caractère imposé des arbitrages à des directions centrales qui n’étaient pas demanderesses de la réforme n’a pas favorisé une préparation optimale de la réforme » ;
  • « Les travaux préparatoires sur les incidences matérielles de la réforme ont été insuffisants » ;
  • « la réflexion sur les implications fonctionnelles et opérationnelles des nouvelles organisations n’a pas été non plus suffisamment approfondie durant cette préfiguration » ;
  • « la crise sanitaire (pandémie Covid-19) a constitué une contrainte supplémentaire majeure » ;
  • « le dialogue social a été particulièrement difficile dans de nombreux départements ».

« Rapprochement inachevé » 

Près de 3 ans après la création des DREETS et DDETS-PP, le bilan s’avère mitigé, selon la Cour des Comptes.

« Les synergies entre services, si elles se développent, demeurent encore éloignées des objectifs initiaux. »

Parmi les facteurs explicatifs figurent : 

  • « les conditions de la préfiguration et les difficultés matérielles » ;
  • « les choix d’organisation, plus ou moins ambitieux quant au rapprochement » ;
  • « les modes de fonctionnement interne » ;
  • « la persistance de fortes sollicitations opérationnelles à moyens contraints » ;
  • « des administrations centrales qui perpétuent les modes de fonctionnement antérieurs ». 

« Un rapprochement de structures ne saurait, en tout état de cause, suffire à emporter une évolution des pratiques ni à garantir une efficacité accrue. La réforme des DREETS et DDETS-PP apparaît à la Cour comme illustratrice de ce déséquilibre », indique la Cour des Comptes.

« À bien des égards, la réforme des DREETS et DDETS-PP souligne la nécessité de réfléchir au préalable en termes de contenu et de modalités de mise en oeuvre des politiques publiques. »

Les recommandations de la Cour des Comptes

• « Confier une mission de régulation des sollicitations adressées au réseau des DREETS et DDETS-PP et la vérification de la cohérence des initiatives portées par les directions centrales » (à l’intention du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales ou SGMAS) ;
• « Élaborer un plan de formation global des membres des équipes de direction permettant l’acculturation à l’ensemble des missions exercées par les DREETS et DDETS-PP » (vision interministérielle) ;
• « Mener à son terme, sur l’ensemble du périmètre d’intervention des DREETS et DDETS-PP, l’exercice de revue des missions (SGMAS) ;
• « Déterminer les missions du réseau des DREETS et DDETS-PP qui peuvent faire l’objet d’une organisation à l’échelon interdépartemental, sans dégrader la capacité d’action de l’État » (SGMAS).

• Consultez le rapport intégral de la Cour des Comptes : « La création des Dreets et des DDETS » (avril 2024)

Concepts clés et définitions : #DREETS pour direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités