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L’éthique en recrutement

Le | Intérim

« L’éthique en recrutement commence quand on remet en cause ses propres croyances plutôt que de chercher à les imposer à autrui, que l’on soit recruteur ou candidat ».
Interview de Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail et directeur associé de SRM Consulting, auteur de « Recruter ou se faire recruter » 2007 - Editions de Boeck.

Qu’est-ce que l’éthique en recrutement ?

L’éthique en recrutement, c’est prendre le temps de la réflexion sur ses propres actions de recrutement. C’est bien sûr une réflexion axée sur les conséquences (négatives comme positives) de ses actes de recrutement. Mais c’est aussi une réflexion axée sur les causes de ses décisions d’embauche, le plus souvent influencées par ses croyances. Les croyances font prendre parfois des décisions qui vont à l’encontre des intérêts tant économiques qu’humains. Elles mènent à écarter un candidat pour une toute autre raison que celle de l’adéquation de ses compétences pour le poste à pourvoir comme par exemple des critères d’âge, de sexe ou ethnique qui objectivement n’ont rien à voir avec le profil du poste.

Il faut être capable de remettre en cause ses croyances et lutter contre ses stéréotypes pour se positionner sur une logique de recrutement qui favorisera à la fois l’économique et l’humain. Il est regrettable que l’on en soit arrivé en France à ce que le législateur impose de nouvelles règles du jeu dans une République prônant l’égalité et la fraternité. Certes, cela oblige à se poser des questions et fait avancer les choses mais c’est très dommage qu’il faille en passer par la loi pour rappeler les recruteurs (comme les candidats d’ailleurs) à leur responsabilité. L’éthique individuelle devrait suffire.


Il y a quand même eu des avancées en matière de discrimination ces dernières années ?

Parité, diversité… Le cadre législatif a changé, notamment avec la création de la Halde. L’assignation de certains recruteurs indélicats, largement reprise dans les médias, a contribué à une large prise de conscience. Par conséquent, les comportements commencent à changer, mais les mentalités n’évoluent pas aussi vite.


Certains tabous sont-ils en cause ?

Avec cette judiciarisation du recrutement, nous nous dirigeons vers un modèle anglo-saxon communautariste, qui est en hiatus avec nos valeurs républicaines d’intégration. Si une loi comme celle de la parité est assez facile à accepter, légiférer sur la discrimination positive peut poser plus de problème. Notre approche d’intégration est tout à fait contraire aux quotas, appliqués aux USA par exemple ; on touche donc à quelque chose de profondément ancré en chacun de nous, qui ne se changera pas en quelques mois.


Une idée ?

Peut-être faudrait-il instituer un code de déontologie des recruteurs, comme cela existe dans d’autres professions ? Favoriser également les mesures incitatives plutôt que les contraintes. L’incitation fiscale (comme celle pour engager des seniors, par exemple) me semble plus efficace et plus positive qu’une amende (comme celle pour les entreprises ne respectant pas le quota d’embauche d’handicapés).


Propos recueillis par Magali Morel