Qvt

Alphabet Workers Union : la création d’un syndicat provoque des remous chez Google

Par Philippe Guerrier | Le | Workspace

Plusieurs centaines d’employés de Google approuvent la création d’un syndicat pour négocier des sujets RH et « faire bouger les lignes » fixées par la direction. Une initiative qui détonne dans la sphère Tech de la Silicon Valley.

Alphabet Workers Union : une première tentative forte de créer un syndicat chez Google - © D.R.
Alphabet Workers Union : une première tentative forte de créer un syndicat chez Google - © D.R.

Aux Etats-Unis, la direction d’Alphabet, maison-mère de Google, devra désormais composer avec un syndicat de salariés. Alphabet Workers Union émerge « avec l’appui du Communications Workers of America (CWA) », du nom de la principale organisation syndicale dans les secteurs des télécoms et des médias.

Il se présente comme la première section syndicale ouverte à tous les employés d’Alphabet, quelles que soient leurs fonctions au sein des entités :

  • Google avec son moteur et sa batterie de services connexes comme la messagerie Gmail et sa division BtoB Google Cloud ;
  • la plateforme vidéos YouTube ;
  • Waymo pour la conduite autonome ;
  • Verily dans les sciences de la vie ;
  • Fitbit dans les objets connectés pour le suivi de l’activité sportive ;
  • Wing autour de la livraison de produits par drones.

L’effectif global, toutes branches confondues, s’élève à 118 899 employés à plein temps à fin 2019. Mais on passe à 260 000 travailleurs concernés si l’on considère l’écosystème global numérique avec les sociétés sous-traitantes de la galaxie Google.

Pour le démarrage, plus de 400 ingénieurs et autres catégories de profils professionnels affichent leur intention de rejoindre ou de soutenir Alphabet Workers Union, amorcé sous l’impulsion de deux ingénieurs de Google : Parul Koul et Chewy Shaw.

Appel pour de « réels changements »

Le nouveau syndicat qui émerge dans la Silicon Valley californienne, un type d’initiative rarissime et souvent étouffée, compte appeler à des « réels changements » dans la gestion RH d’Alphabet comme la classification pour les contrats de travail, les niveaux de salaires, les questions d’indemnités et les différences de traitement entre collaborateurs intérimaires et les employés à plein temps.

« Tous les sujets relatifs à Google comme environnement de travail seront traités par le syndicat et ses membres », précise l’Alphabet Workers Union.

Au-delà de la gestion classique des RH, une partie des salariés de Google conteste des décisions prises par la direction du puissant groupe numérique de la Silicon Valley, notamment :

  • des indemnités sur fond de licenciements accordées à deux managers accusés de harcèlement sexuel en 2018 (un épisode qui avait abouti à des mouvements de protestations dans les branches de Google dans le monde avec des dizaines de milliers de collaborateurs mobilisés) ;
  • la signature de contrats technologiques avec l’armée américaine qui pose des soucis d’éthique ;
  • le renvoi, survenu fin 2020, pour des motifs flous de Timnit Gebru, une chercheuse experte en IA, qui dénonçait l’usage d’algorithmes aboutissant à des biais dans la reconnaissance faciale en fonction de la couleur de peau des personnes ou favorisant la propagation de messages de haine.

Tentative de torpiller l’action syndicale

La tension est palpable sur fond d’activisme syndical. « Les travailleurs qui se sont fédérés pour stopper ces dérives ont fait l’objet de tentatives d’intimidation ou de procédures abusives de licenciements », selon l’Alphabet Workers Union. « Au lieu d’entendre les travailleurs, Google a engagé IRI Consultants, un cabinet de lobbying visant à torpiller les tentatives de fédération syndicale », argue-t-il.

Une polémique qui avait éclaté fin 2019 et couverte à l’époque par le New York Times. C’est d’ailleurs dans ce journal de référence que l’Alphabet Workers Union vient de publier une tribune intitulée « We Built Google. This Is Not the Company We Want to Work For » pour expliquer sa genèse et sa vocation.

Au nom de la direction d’Alphabet, Kara Silverstein, en qualité de Director People Operations chez Google, a réagi en tempérant. « Nous avons toujours travaillé dur pour créer un environnement de travail bienveillant et stimulant pour nos équipes. Bien sûr, nos employés veulent protéger le droit du travail et nous apportons notre soutien dans ce sens. Comme nous l’avons toujours fait, Google continuera à s’engager directement avec tous nos employés. »

En l’état actuel, d’un point de vue juridique, ce nouveau syndicat issu de Google, qui émerge dans le paysage Tech de la Californie, n’a pas les coudées franches pour négocier directement avec la direction. Sera-t-il capable de faire bouger les lignes ?