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Stratégie RH : l’attractivité au coeur des enjeux de recrutement et de fidélisation

Par Philippe Guerrier | Le | Core rh

Salon Solutions RH 2023 : lors d’une table ronde sur les enjeux de la fonction RH, 3 experts RH partagent leurs réflexions et leurs actions. Avec Véronique Montamat (Sopra HR Software), Dominique Gilsanz (Groupe Vyv) et Nicolas Ballif (Groupe Clarins).

Salon Solutions RH 2023 : plénière « La fonction RH face aux grands bouleversements » - © D.R.
Salon Solutions RH 2023 : plénière « La fonction RH face aux grands bouleversements » - © D.R.

Avec la crise sanitaire, la fonction RH a vécu une période d’accélération de la transformation digitale au sein des entreprises. Alors comment se dessine le nouveau monde ? 

Lors de la plénière d’introduction du Salon Solutions RH organisée à Paris la semaine dernière, trois experts ont débattu sur ce thème : « La fonction RH face aux grands bouleversements ». 

  • Véronique Montamat, directrice Marketing et Prospective RH de Sopra HR Software,
  • Nicolas Ballif, directeur relations sociales & efficience opérationnelle, RH France du Groupe Clarins,
  • Dominique Gilsanz, directrice Transformation RH, engagement et diversité du Groupe Vyv.

Les enjeux RH identifiés

« Les DRH doivent inventer des leviers d’attractivité » (Véronique Montamat)

« Le premier enjeu des DRH est lié au contexte économique actuel avec la crise, l’inflation, et les tensions sociales. Ce qui a des conséquences sur l’emploi.

  • Selon l’enquête ANDRH intitulée ‘Repenser l’organisation du travail’ publiée le 13/03/2023,
    • 51 % des entreprises en France ont décidé de geler les recrutements cette année.
    • L’autre proportion des entreprises se concentrent sur la rétention des talents et sur la garantie d’assurer la continuation de l’activité de l’entreprise par le biais de la montée en compétences ou l’engagement.
    • Pour celles qui poursuivent leurs processus de recrutement, la pénurie des talents demeure dans beaucoup de secteurs d’activité. Dans ce cas, les DRH doivent inventer des leviers d’attractivité et repenser la marque employeur.

Nous voyons des choses intéressantes sur la partie de l’attractivité en lien avec :

  • La RSE avec des formes d’engagement comme des actions de bénévolat ;
  • La politique de rémunérations. Pour lutter contre l’inflation, beaucoup d’entreprises revoient aussi leur politique de rémunérations globales qui prennent en compte les RTT monétisées, des programmes d’intéressement, de l’actionnariat salarié, des initiatives de partage de la valeur et des bonus. 
  • L’innovation en termes d’organisation de travail avec :
    • La semaine de quatre jours.
    • L’essor du télétravail quand c’est possible dans les secteurs d’activité. Les entreprises ont acquis de la maturité sur ce sujet après le big bang de la période Covid-19, à condition de mettre en place des outils digitaux et des processus de dématérialisation. Parallèlement, les espaces de bureaux ont été réorganisés. Toutes ces initiatives permettent de penser le monde du travail de demain, même si nous manquons encore de recul sur l’ampleur de la transformation, le travail hybride et l’impact sur le management. Le calcul de suivi de temps effectif de travail et le rôle de l’employeur en matière de santé et de sécurité dans un cadre de télétravail nécessitent encore de l’accompagnement.
  • L’accélération de la transformation digitale. Sur les métiers de gestion administrative, de paie et de gestion des absences, tous les processus sont dématérialisés. C’est aussi une conséquence de la période de la crise sanitaire : la mise en place de plateformes de formation s’est accélérée au nom de la continuité d’activité des entreprises. La gestion du support au collaborateur (ticketing) et le suivi individualisé d’écoute des collaborateurs (sondages, enquêtes annuelles sur l’engagement collaborateur…) se sont aussi fortement développés.
  • L’augmentation des nouveaux risques à laquelle sont soumis les DRH, comme la cybersécurité et la protection des données personnelles (localisation géographique, gouvernance du SI…) et le respect des évolutions légales. »

« Il faut remettre à l’honneur les métiers du soin et de l’accompagnement » (Dominique Gilsanz)

« Je distingue trois enjeux :

  • Le recrutement. Nous prévoyons 5.000 embauches en 2023. Le processus se complique, notamment en raison du turn-over. L’attractivité devient un enjeu primordial, quel que soit le secteur d’activité. Trouver des candidats, c’est aussi parfois susciter des vocations. C’est le cas dans le secteur sanitaire et médico-social. Ces populations ont été mises en lumière pendant le confinement puis elles ont rebasculé dans l’oubli. Il faut donc revenir à la source pour remettre à l’honneur les métiers du soin et de l’accompagnement (« care »). Dans le domaine de l’assurance, nous rencontrons aussi des difficultés à recruter des profils aux métiers techniques comme actuaire mais aussi des ingénieurs, des data scientists, des experts SIRH ou des juristes dans le domaine de la cybersécurité.
    • À chaque ligne métier, la solution de recrutement doit être différenciée pour trouver la meilleure solution.
  • L’engagement des collaborateurs qui porte sur le supplément d’âme à mettre dans un job donné. C’est primordial pour un groupe comme Vyv impliqué dans les domaines de la santé et de la vie. Dans les fonctions support du groupe Vyv, nous avons observé un rapport au travail plus individualiste et des enjeux d’engagement collectif à redynamiser.
    • Le travail hybride par nature individuelle n’empêche pas de jouer un rôle moteur dans la réflexion collective.
  • La QVT. Nous évoluons dans une symétrie cohérente des intentions pour le mieux-vivre : nous sommes là pour apporter du soin, du service, du réconfort et de l’accompagnement à nos adhérents, clients, patients, etc. En retour, soyons également attentifs à nos salariés en interne.
    • Parmi les enseignements de la crise sanitaire, nous avons observé que les candidats sont attachés à la QVT, au point de devenir le point numéro 1 avant le salaire. »

« Nous travaillons sur la marque employeur pour développer l’attractivité » (Nicolas Ballif)

  • « Le Groupe Clarins poursuit sa politique de recrutement mais, malgré notre notoriété forte, nous rencontrons des difficultés à attirer de nouveaux talents. Notamment dans le domaine du digital et de la vente en ligne en BtoC. Les diplômés des filières d’enseignement supérieur dans ces domaines sont plutôt des garçons. C’est plus compliqué de les attirer dans une entreprise qui propose des produits pour ‘rendre les femmes plus belles’ selon la promesse marketing initiale de Clarins. Nous travaillons donc beaucoup sur la marque employeur pour développer l’attractivité comme beaucoup d’entreprises, en prenant en compte :
    • le retournement de marché du recrutement avec un choix plus large pour le candidat,
    • les notes attribuées à notre compagnie sur les réseaux sociaux comme Glassdoor,
    • la quête de sens par le biais du statut d’ambassadeur de la marque employeur Clarins de nos collaborateurs auprès de leur entourage personnel.
  • En matière de télétravail, nous avons avancé de manière progressive.
    • Récemment, nous avons décidé d’installer le droit à une semaine de télétravail accolée aux congés de Noël et des grandes vacances. Par principe, les jours de télétravail sont à prendre le lundi, mercredi ou vendredi. Il est obligatoire d’être présent sur le lieu de travail le mardi et le jeudi.
    • En raison de nos activités industrielles, une partie des équipes ne peut accéder à du télétravail. Pour atténuer le sentiment de traitement différencié entre les cols bleus et les cols blancs, nous donnons davantage de souplesse, notamment sur les RTT que l’on peut prendre par petit bout (par demi-journée, etc.)
  • En lien avec la RSE, nous travaillons aussi sur la certification B Corp. »

Les solutions pour résoudre les enjeux RH

« On peut trouver entre 30 et 50 applications RH déployées dans les organisations » (Véronique Montamat)

« Les solutions digitales offrent des opportunités dans le domaine RH pour :

  • L’analyse pointue des données RH. Après la phase de dématérialisation, comment tirer profit de ce vivier de données stockées sur les centres de données ? Comment les exploiter pour guider les stratégies de politique RH ? Nous parlons d’analyses pour croiser les données et approfondir l’exploitation dans des approches prédictives via l’IA ;
  • L’amélioration de la performance et de la fiabilité des processus RH. En complément, nous développons beaucoup la dimension d’interopérabilité des SI pour favoriser la fluidité des applications RH. On peut en trouver entre 30 et 50 déployées en fonction des organisations mais il faut dorénavant penser à la rationalisation des SI et à la gouvernance des données ;
  • L’optimisation de la marque employeur avec une dimension d’onboarding par les métavers. Mais il faut garder dans l’esprit de garder le contact humain ;
  • Le numérique durable. Quel est l’impact des usages et des développements numériques de la sphère RH sur l’environnement ? Nous commençons à voir des entreprises qui imposent des critères dans ce sens mentionnés dans des appels d’offre. »

« Nous avons créé en interne l’association Vyv Solidaires et une plateforme d’offres de mobilisation » (Dominique Gilsanz)

« Nous mettons en place des dispositifs sur l’enjeu de l’engagement. Nous avons beaucoup analysé ce concept avec des leviers intrinsèques ou par catégories (qualité de relation avec le management ou l’équipe, conditions de travail…). Ce qui nous a amené à travailler sur divers dispositifs d’engagement :

  • Par des programmes de développement de management intégrant la reconnaissance, l’autonomie, la mise en visibilité, la responsabilisation à travers des expérimentations impliquant des collaborateurs et du codéveloppement entre pairs au sein des différentes maisons du groupe. Le digital peut y contribuer, en matière de coaching par exemple, mais pas uniquement.
  • Par l’entreprise : les équipes sont de plus en plus sensibles au fait de s’impliquer dans des causes sociétales (climat, biodiversité…). Nous avons créé en interne l’association Vyv Solidaires et une plateforme d’offres de mobilisation sociale (Ehpad, maisons de retraite, maisons d’accueil pour personnes handicapées…). Deux jours par an, les salariés sont invités à se rendre dans ces établissements pour participer à des animations sur place et lutter contre l’isolement social. Une manière de se sentir utile.
  • Par le collaborateur directement sur des critères jusqu’ici difficiles à mesurer. En 2023, nous mettons en place une grande enquête réalisée auprès des 45.000 collaborateurs dans chaque maison du groupe.
    Le dispositif digital tourne autour d’un questionnaire socle d’une vingtaine de questions. Il servira de boussole pour souligner les points forts, distinguer les points d’amélioration et ajuster les actions pour répondre aux enjeux spécifiques des métiers en fonction des maisons.

« Nous déployons la suite SAP SuccessFactors, ce qui représente un chantier considérable » (Nicolas Ballif)

  • « Je suis directement concerné par le sujet SIRH. Jusqu’ici, nous avions des modes artisanaux de fonctionnement qui devenaient un frein pour l’entreprise, notamment pour la consolidation du reporting au niveau global. Nous nous mettons à niveau avec le déploiement en cours de la suite SAP SuccessFactors, qui représente un chantier considérable.
  • C’est important d’attribuer des ressources à un SIRH qui deviendra la colonne vertébrale des activités du groupe et qui permettra de disposer d’applications RH en mode SaaS à connecter ou à déconnecter en mode best-of-breed. »

Propos suscités par Patrick Storhaye, Président et fondateur de Flexity RH INFO