Jonathan Azoulay, Skolae : « Nous voyons une baisse des offres de recrutement en alternance »
Jonathan Azoulay, Président du groupe Skolae, détaille les contours du pôle Formation avec les rapprochements effectués entre les réseaux d’écoles : GES, Eductive, Abilways et M2I.

Sur fond de rapprochement entre Abilways et M2I pour créer Skolae Formation, quelles sont vos ambitions dans le secteur de la formation professionnelle ?
Dans ma vision, nous sommes un groupe multi-spécialistes avec des marques fortes en formation continue comme Pyramyd dans le design, CFPJ pour le journalisme ou M2I dans l’IT. Nous devons être aussi forts en formation continue qu’en formation initiale.
Notre configuration permet de mieux saisir ses ambitions. Skolae a deux pôles d’activité :
- Le Pôle Éducation qui est historique et qui regroupe 24 écoles réparties en quatre univers : numérique, management, art et design, médias.
- Chaque année, Skolae Éducation accueille 22 000 étudiants dans une douzaine de campus. Ils évoluent dans des parcours de formation initiaux ou en alternance qui visent des diplômes Bac + 3 à Bac + 5 reconnus par l’État avec des certifications inscrites au RNCP, ainsi que des diplômes visés à Bac + 3 et Bac + 5.
- Actuellement, nous avons deux tiers de nos étudiants engagés en alternance et un tiers en cursus initiaux.
- Le Pôle Formation que nous sommes train d’étoffer. Il dispose déjà d’un catalogue commun de 2 900 programmes et de 30 centres de formation sur le territoire français.
- Chaque année, nous avons 150 000 apprenants en formation continue, essentiellement des salariés engagés dans des plans de développement de compétences ou dans des parcours en reconversion (70 %) et des demandeurs d’emploi (30 %), en partenariat avec France Travail.
- Le nombre d’apprenants a doublé avec les rapprochements effectués entre les réseaux d’écoles : GES et Eductive, Abilways et maintenant M2I. Ils ont du sens d’un point de vue de complémentarité géographique et sectorielle.
- Le volet de la formation professionnelle représente désormais un bon tiers de l’activité du groupe, en petite croissance stable mais pérenne : entre 2 et 4 % par an. Cette tendance ne s’inscrit pas dans un plan stratégique pluriannuel prédéterminé. Nous considérons que la croissance doit être assurée pour les deux grands pôles d’activités de Skolae.
Quelles sont les priorités de la rentrée pour Skolae Formation ?
Actuellement, au sein de Skolae Formation, nous sommes en train d’uniformiser nos outils (ERP, CRM…), la mutualisation de notre catalogue de formation, mais aussi la mise en place de sites qui accueillent à la fois des étudiants dans des cycles initiaux et des apprenants et formation professionnelle.
Avec Skolae Formation, l’objectif est de proposer aux chefs d’entreprise et aux DRH une offre complète de formations qui correspond à leurs besoins.
Actuellement, nous travaillons avec 10 000 entreprises partenaires pour l’alternance alors que les grands groupes ont tendance à réduire leur nombre de prestataires extérieurs pour limiter le nombre d’interlocuteurs et réaliser des économies. Nous sommes déjà référencés auprès des groupes du CAC 40 pour la partie formation.
Nous avançons aussi dans le secteur public en répondant à des appels d’offres en France et à travers des filiales à l’international (Belgique, Portugal…).
Avec l’évolution des modalités de versement des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage qui implique une plus grande contribution financière de la part des entreprises, craignez-vous une perte de l’attractivité de l’alternance pour les recruteurs ?
Avant 2018, il n’existait pas d’aides pour les entreprises. Depuis, des dispositifs gouvernementaux d’aides financières aux entreprises ont été mis en place, ce qui a permis d’augmenter le nombre d’apprentis [N.D.L.R. : 500 000 contrats d’apprentissage en 2019, un million en 2023]. C’est encourageant pour toutes les parties prenantes.
Mais je veux être franc : je suis partisan de la suppression de toutes les aides pour toutes les entreprises. Le coût d’un apprenant est peu onéreux.
Je ne vois pas l’intérêt de maintenir ces aides, surtout dans une période où l’État recherche des économies budgétaires. Nous savons que le système des CFA ne fonctionne plus. Un tiers des CFA sont déficitaires et des fermetures de CFA surviennent chaque mois. On ne peut plus tirer sur ce levier. À un moment donné, il est nécessaire et utile de remettre le système à plat.
Du point de vue de Skolae, percevez-vous une baisse des inscriptions en alternance compte tenu de la réforme et de l’instabilité politique susceptible de freiner les recrutements d’alternants en entreprise ?
Effectivement, sur fond de croissance économique qui tourne au ralenti, nous observons une baisse des offres de recrutement en alternance par rapport aux années précédentes. Tout est lié : une diminution globale du nombre d’offres d’emploi se répercute sur l’alternance.
- Sur la partie de la formation en entreprise, nous voyons un léger ralentissement.
- L’impact est plus important avec un coup d’arrêt brusque pour les formations des demandeurs d’emploi. Ce n’est guère étonnant lorsque France Travail ne dispose pas vraiment de budget sur le premier trimestre 2025, en raison des flottements sur les discussions budgétaires au Parlement. Nous avons observé au premier trimestre 2025 une baisse de 75 % de l’activité portant sur la formation des demandeurs d’emploi car France Travail était incapable de signer, faute de budget.
- Certes, il y a eu un effet de rattrapage, mais on n’est pas revenu à un niveau classique.
- Cela se répercute aussi sur la commande publique. Nous avons stoppé des formations dans les ministères du jour au lendemain, faute de visibilité budgétaire.
- Nous n’avions jamais rencontré cette situation auparavant.
Êtes-vous satisfait de la certification Qualiopi ?
Nous nous dirigeons vers une déclinaison Qualiopi + qui s’intéressera davantage aux aspects pédagogiques des organismes de formation. Ce qui n’était pas le cas auparavant : on se calait avec Qualiopi sur un format de norme ISO centré sur les process et l’organisation. Mais on ne rentrait pas dans l’évaluation des contenus pédagogiques.
Cela changera la donne avec Qualiopi + qui devrait permettre d’évaluer un organisme sur la qualité de la formation dispensée. Il faudrait aller plus loin en distinguant davantage les typologies des centres de formation et les thèmes de compétences (formation en management ou en IT par exemple) avec l’ouverture de droits différents à du EDOF ou à de l’apprentissage.
Au final, l’objectif serait de proposer des formations sans passer par la moulinette de France compétences avec le dépôt de titres RNCP. Une procédure qui peut prendre des années. Même si elle est simplifiée pour les métiers en tension (une trentaine).
Il faudrait également développer la simplification des procédures avec l’obtention d’agrément pour des formations dans des secteurs d’activité spécifique.
Comment percevez-vous la percée de l’IA dans le secteur de la formation ?
Nous assistons à une véritable révolution et à un choc de la transmission des connaissances qui remodèle l’ingénierie pédagogique.
Je distingue deux transformations :
- En tant qu’organisme de formation, nous devons changer notre mode d’apprentissage et notre approche vis-à-vis des étudiants. Nous sommes à fond sur le sujet de l’usage des outils IA dans le quotidien pour accompagner les étudiants mais aussi les enseignants. Cela représente une grosse transformation qui s’accélère.
- Nous mettons à jour tous nos programmes de formation destinés aux étudiants pour inclure de l’IA dans tous nos cursus.
- Bien sûr, dans les filières informatiques, l’IA est présente depuis longtemps et nous formons des ingénieurs spécialisés en IA. Mais aujourd’hui, l’enjeu est de réfléchir à intégrer l’IA dans toutes nos filières. Aujourd’hui, un jeune diplômé qui arrive sur le marché du travail doit maîtriser des outils d’IA pour être opérationnel rapidement.
- Côté formateur, cela implique une remise à plat des méthodes pédagogiques. Aujourd’hui, 90 % des étudiants utilisent ChatGPT. C’est plus compliqué du côté des formateurs qui doivent changer leur approche comme cela a été le cas avec l’arrivée d’Internet dans les années 90. Les cours avec des slides à étudier sur une dizaine de cours, c’est fini. ChatGPT fournit le même résultat en quelques minutes. Le support de cours n’a plus vraiment de valeur. L’important, c’est l’animation du cours.
(Extrait d’une interview diffusée sur News Tank RH le 19 septembre 2025. Pour découvrir l’intégralité du contenu éditorial, accédez à l’offre Découverte)
Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines , #France Travail : définition, organisation, gouvernance