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IA & RH : les secousses d’OpenAI alimentent la guerre des talents

Par Philippe Guerrier | Le ( mis à jour le ) | Motivation & engagement

Qui veut récupérer des chercheurs et des ingénieurs qualifiés en IA sur fond de crise d’OpenAI ? Entre l’imbroglio de gouvernance et la rébellion RH, les turpitudes de gestion de la société californienne derrière ChatGPT aiguisent les appétits. Y compris en France.

Derrière les secousses d’OpenAI, une guerre des talents dans l’IA - © D.R.
Derrière les secousses d’OpenAI, une guerre des talents dans l’IA - © D.R.

(update 22/11/2023) Comment les cartes dans l’IA peuvent-elles être rabattues en un week-end dans la Silicon Valley ?

La crise de gouvernance au sein de la pépite OpenAI risque de se transformer en une rébellion RH aboutissant à la perte du projet technologique et industrielle.

Le risque de dispersion de matière grise et de précieux talents dans l’IA commence à attirer l’attention d’autres sociétés technologiques tout aussi ambitieuses. Dans cette guerre des talents, la France ne veut pas rester à l’écart…

Petit rappel des faits en quatre actes qui a entrainé un tremblement de terre dans le secteur de l’IA : 

  • Vendredi 17 novembre : Sam Altman, CEO et cofondateur d’OpenAI qui développe la plus connue des technologies d’IA générative (ChatGPT) avec le soutien de Microsoft, est écarté par le conseil d’administration de la société californienne au motif d’un « manque de sincérité » dans les éléments de communication transmis ;
  • Emmett Shear, cofondateur de Twitch (plateforme de jeux en streaming d’Amazon), est appelé à la rescousse pour prendre la direction d’OpenAI : il est nommé CEO par intérim ;
  • Lundi 20 novembre, Microsoft, en qualité d’investisseur numéro 1 dans OpenAI (10 milliards de dollars injectés), tape sur la table. Son CEO Satya Nadella se déclare attentif à l’évolution du partenariat stratégique signé avec OpenAI. Il annonce aussi le recrutement de Sam Altman et de Greg Brockman, président et autre cofondateur d’OpenAI, et « leurs collègues » au sein de Microsoft pour diriger une nouvelle équipe à la pointe de l’IA.

  • Les tractations semblent se poursuivre en ce lundi soir. Satya Nadella semble reconnaître que l’orientation de Sam Altman demeure incertaine, selon TechCrunch. Un retour chez OpenAI n’est pas exclu de son point de vue.
  • Update (23/11/2023) : le retour de Sam Altman aux commandes d’OpenAI se confirme. Mais le board est profondément renouvelé avec l’arrivée de Bret Taylor, ex-CEO de Salesforce, en qualité de President et Larry Summers, ex-secrétaire d’Etat au Trésor américain. Du côté de Microsoft, Satya Nadella approuve ce retournement de situation.

La révolte des équipes d’OpenAI

Ces bouleversements au sommet d’OpenAI a entraîné un mouvement de solidarité des équipes d’OpenAI. Dans la journée de lundi, une lettre de revendication - voire d’injonction - a été rendue publique en soutien aux 2 piliers de la société : Sam Altman et Greg Brockman.

Elle émane d’un collectif réunissant plusieurs centaines de salariés (on évoque 500 employés, soit 70 % de l’effectif d’OpenAI) et s’adresse au conseil d’administration d’OpenAI.

« La procédure de licenciement à l’encontre de Sam Altman et de démission concernant Greg Brockman met en péril tout le travail réalisé et a miné notre mission et la société », déclare ce collectif par lettre interposée. « Votre comportement démontre que vous ne disposez pas des compétences nécessaires pour diriger OpenAI », évoque-t-il.

Les membres du collectif se déclarent prêts à donner leur démission et à rejoindre l’initiative IA de Microsoft si Sam Altman et Greg Brockman ne sont pas réintégrés et si le conseil d’administration n’est pas renouvelé.

Sur X (Twitter), le mot d’ordre est relayé par tous les rebelles signataires : « OpenAI n’est rien sans ses collaborateurs. »

Recherche de talents IA : la convoitise s’aiguise

Dans cette guerre des talents investis dans l’IA, des signes de manifestation commencent à apparaître pour tirer la couverture vers soi. Pourquoi ne pas profiter de cette crise chez OpenAI pour attirer les meilleurs éléments chez soi ?

Ainsi, Jim Fan, Senior AI Scientist chez Nvidia (spécialiste des puces et technologies IA), lance un appel dans ce sens sur X/Twitter.

Plus proche de nous, Jean-Noël Barrot se montre audacieux. « Sam Altman, son équipe et leurs talents sont les bienvenus s’ils le souhaitent en France où nous accélérons pour mettre l’intelligence artificielle au service du bien commun », propose le ministre délégué chargé du Numérique dans un tweet diffusé samedi 18 novembre.

Cet appel pour un accueil en France intervient alors qu’une initiative remarquable a été enclenchée en France à travers KYUTAI. Présenté comme « le 1er laboratoire d’initiative privée européen dédié à la recherche ouverte en intelligence artificielle », le projet a été inauguré vendredi 17 novembre à Station F par un trio de leaders :

  • Xavier Niel, fondateur du groupe Iliad ;
  • Rodolphe Saadé, Président et directeur Général du Groupe CMA CGM ;
  • Eric Schmidt, ex-CEO de Google qui gère désormais son propre fonds d’investissement (Schmidt Futures).

Doté de 300 millions d’euros d’investissement, KYUTAI, qui dispose d’un statut d’organisation à but non lucratif, a intégré une équipe de 6 experts en IA pour son démarrage.

Ses travaux sont suivis par un conseil scientifique composé de 3 personnalités également spécialistes de l’IA, dont le chercheur français Yann Le Cun, qui a fondé le Facebook AI Research (FAIR).