Ilan Ouanounou, Edenred : « Avantages salariés : il reste un grand potentiel de marché en France »
Ilan Ouanounou, directeur général d’Edenred France, évoque la réforme des titres-restaurant toujours en cours et l’innovation associée aux avantages salariés au sens large.
Dans quelle mesure la situation économique morose a un impact sur les activités d’Edenred en France ?
Dans cet environnement incertain, Edenred affiche une croissance solide. Nous sommes présents dans 45 pays avec des dynamiques économiques différentes.
En Europe et en France, nous constatons un ralentissement des activités, mais nous continuons de croître.
Les entreprises clientes recrutent moins, ce qui a bien sûr un impact sur le volume de commandes de Tickets Restaurant. En revanche, de nouveaux clients nous rejoignent chaque jour, ce qui permet de soutenir notre croissance.
En France, le marché des avantages salariés reste sous-pénétré. En effet, seuls 28 % des salariés bénéficient de titres-restaurant.
Nous voyons encore un important potentiel de développement. C’est pour cette raison que nous continuons d’innover.
Par exemple, nous avons lancé en 2025 Edenred +, une solution digitale qui permet de gérer tous les avantages salariés (Ticket Restaurant, mobilité, Kadeos, Ticket Cesu) à travers une plateforme de commande unique pour les DRH et une application mobile unique pour les salariés.
Nous sommes en plein déploiement, et d’ici mi-2026 la totalité de nos clients en bénéficieront.
Edenred + a vocation à simplifier la vie des DRH et améliore considérablement l’expérience des salariés. Il s’agit d’une plateforme mondiale et la France a été pilote pour son lancement.
Lors de l’édition 2024 de LaREF, vous annonciez le lancement d’Edenred Engagement, une offre pour renforcer l’engagement collaborateur. Un an plus tard, quel bilan d’étape effectuez-vous ?
Nous avons présenté le concept Edenred Engagement lors de LaREF 2024. Le lancement commercial en France est survenu dans le courant du premier trimestre 2025. Nous disposons aujourd’hui de premiers clients en France, principalement des ETI. Certaines étaient déjà clientes d’Edenred.
Edenred Engagement est notre proposition pour répondre à des préoccupations fortes des DRH après la période du Covid-19 et avec la nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail : le pouvoir d’achat, le télétravail, la qualité de vie, le bien-être et l’engagement des salariés.
Edenred Engagement s’appuie sur la technologie de la société Reward Gateway que nous avons acquise au Royaume-Uni en 2023 et déployée en Europe continentale. Il a fallu, ce qui est bien normal, un temps d’adaptation technologique, de traduction, d’ajustement et de mise en conformité avec les réglementations européennes.
Le portail destiné aux salariés est composé de quatre modules :
- un portail de communication interne,
- un outil pour renforcer le sentiment de reconnaissance des salariés en les félicitant de manière digitale,
- un espace dédié au pouvoir d’achat avec des bons de réduction via un réseau de partenaires,
- une partie « bien-être » qui fournit des milliers de contenus pour faire du sport, améliorer la santé mentale des salariés, accompagner les personnes via diverses aides (juridique, aidance, développement personnel…).
La plupart des entreprises clientes d’Edenred Engagement adoptent la totalité des modules sur la plateforme, mais il est tout à fait possible de n’en choisir qu’une partie. Nous sommes toujours en phase de pédagogie vis-à-vis du marché avec cette plateforme qui est unique en France.
Nous sommes très ambitieux. Nous recrutons des commerciaux et nous communiquons largement, notamment à travers les salons professionnels.
Le sujet de l’engagement des salariés trouve un fort écho auprès des DRH qui cherchent à s’emparer de la problématique sans pour autant avoir tous les outils et les solutions techniques adaptées.
Nous proposerons progressivement Edenred Engagement à tous nos clients Ticket Restaurant.
Comment l’actuelle instabilité politique pèse-t-elle sur la réforme des titres-restaurant enclenchée en décembre 2024 par Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des PME et de l’ESS ?
Dans le climat d’incertitude actuel, la réforme du titre-restaurant a le mérite de transcender les enjeux politiques : les sujets du pouvoir d’achat et de la qualité de vie des Français sont transpartisans et consensuels.
Cette réforme a fait l’objet d’une large concertation sur plusieurs mois avec l’ensemble des acteurs concernés. Elle s’appuie aussi sur un rapport solide de l’Autorité de la concurrence publié en octobre 2023, dont une grande partie des recommandations sont reprises.
Selon la ministre Véronique Louwagie, la réforme a vocation à pérenniser, simplifier et moderniser le dispositif.
Chez Edenred, nous saluons l’approche du Gouvernement et nous nous réjouissons que la ministre ait réitéré son attachement au dispositif. Nous resterons pleinement mobilisés pour avancer avec les pouvoirs publics dans cette direction.
L’échéance de la disparition des titres-restaurant au format papier est-elle maintenue au 01/01/2027 ?
La réforme proposée par Véronique Louwagie propose en effet la disparition du papier d’ici au 01/01/2027.
Chez Edenred, nous sommes leaders du titre-restaurant et sommes déjà à 90 % en digital. Alors que le marché dans son ensemble se situe plutôt autour de 70 %.
Que pensez-vous de la proposition de Véronique Louwagie de pérenniser la dérogation d’utiliser des titres-restaurant pour acheter des produits alimentaires dans les supermarchés ?
La ministre a souhaité apporter une clarification à ce sujet. C’est un avantage pour les salariés français qui voulaient continuer à faire leurs courses avec les titres-restaurant. Mais on s’éloigne un peu de l’objet social originel du titre-restaurant : l’alimentation du salarié pendant sa journée de travail.
La piste d’un double plafond, plus élevé pour l’usage en restaurant que pour les achats en supermarché, n’a pas été retenue à ce stade mais a été évoquée pendant les concertations. C’est une idée que nous soutenons. Ce serait une mesure d’équilibre et d’équité car le montant d’un repas n’est pas le même en restaurant et au supermarché.
Titres-restaurant : la crispation des acteurs alternatifs
Le CoReCT, un collectif qui réunit cinq acteurs alternatifs du marché des avantages salariés (Lucca, Worklife, Contakt, Coup de pousse, Ekip), dénonce une mainmise du marché par les plus gros émetteurs des titres-restaurant (Swile, Edenred, Pluxee et UpCoop) et veut « libérer un marché verrouillé et injuste ».
« • Nous sommes loin de la situation décrite. Nous avons la chance d’évoluer dans un marché dynamique et ouvert avec quatre ou cinq grands émetteurs et de multiples start-up qui se développent. Pour conquérir le marché, il ne suffit pas de développer une carte de paiement.
• C’est un secteur qui demande d’investir massivement pour développer la plateforme technologique, innover sans cesse, et disposer d’une force commerciale capable de couvrir les tissus d’entreprises français », réagit Ilan Ouanounou.
Dans un avis d’octobre 2023, l’Autorité de la concurrence relève tout de même « l’existence de défaillances de marché » avec « des barrières à l’entrée à l’expansion et à l’innovation et pouvoir de marché des émetteurs historiques, qui limitent le développement des nouveaux entrants sur le marché ».
(Extrait d’une interview d’Ilan Ouanounou, directeur général d’Edenred France, diffusée en intégralité le 5 septembre 2025 sur News Tank RH. Pour accéder à l’offre Découverte)