Frédéric Groussolles, Heidrick & Struggles : « Recrutement tech : le périmètre d’un Chief AI Officer »
Quel profil pour un Chief AI Officer ? En qualité de Partner de Heidrick & Struggles (cabinet de recrutement et conseil en leadership), Frédéric Groussolles explique pourquoi cette fonction devient essentielle dans les organisations.
Avant de devenir un expert dans le monde des technologies et du recrutement exécutif, Frédéric Groussolles est passé par des fonctions opérationnelles chez Google Cloud et Cisco.
En étant associé depuis octobre 2022 à la practice « Global Technology » au sein de Heidrick & Struggles (cabinet conseil en leadership et en recherche de dirigeants et administrateurs auprès d’entreprises internationales), Frédéric Groussolles scrute l’évolution des recrutements sur les fonctions « tech » dans les entreprises du secteur Tech et au-delà.
Avec les transformations technologiques en cours principalement sous l’influence de l’IA, il faut trouver des nouveaux profils pour incarner ces grands enjeux :
- la cybersécurité avec la nomination d’un Chief Information Security Officers (CISO),
- l’analyse des données et de l’IA avec un Chief AI Officer et/ou un board member indépendant au cas où il manque une compétence technologique au sein du conseil d’administration.
Quel est le périmètre d’un Chief AI Officer ?
L’essor de ce type de profil - Chief AI Officer ou parfois Chief Data and AI Officer - représente une tendance forte. Avec leur arrivée, deux questions se posent :
- La gestion de l’organisation. La question est de savoir où placer l’IA. Privilégie-t-on un rapprochement avec le département tech, avec les métiers ou une position intermédiaire avec un reporting direct au CEO ? En fonction du degré de maturité sur le sujet IA, nous aurons des organisations différentes. En règle générale, on commence par une activité rattachée au département tech parce qu’il y a des questions d’infrastructure et de gouvernance des données pour faire de l’IA. Plus l’exploitation de l’IA est mature dans une organisation, plus l’activité se rapprochera du business.
- Le profil susceptible de porter le rôle Chief AI Officer. On peut distinguer trois tendances :
- le profil qui vient du monde de la tech et qui prend en charge le sujet IA en plus de tout ce dont il a déjà la charge (data, numérique, etc.) ;
- le profil qui vient de l’IA. Ils ont tendance à phagocyter tout le reste, parce que l’IA devient tellement importante qu’ils embarquent l’ensemble de la stack tech.
- le profil de Chief Transformer. Il vient plutôt du business, en vue d’une orchestration entre la tech, le digital, la data et l’IA.
Que devient le CTO dans cette nouvelle configuration ?
Tout dépend du profil du CTO. Je connais des CTO qui sont exceptionnels en termes d’IA et qui chapotent l’ensemble des sujets technologiques. Dans d’autres cas, un Comex d’une entreprise peut estimer que le CTO en place ne sera pas capable de gérer l’IA.
Cette situation engendre des questions :
- place-t-on les deux profils côte à côte ?
- le CTO ne devrait-il pas être remplacé par un profil plus compétent sur les nouvelles problématiques technologiques ?
J’ai eu ce cas récemment avec une DRH qui est venue me voir pour évoquer une succession de CTO par recrutement externe puis la discussion s’est élargie à la place de l’IA dans l’organisation. L’échange a pris une tout autre dimension de stratégie globale de l’entreprise.
Je trouve d’ailleurs que les Comex prennent le sujet de l’IA vraiment au sérieux et s’investissent de plus en plus directement pour le traiter et en faire un atout stratégique. C’est essentiel. À chaque étage de l’organisation (conseil d’administration, CEO, CTO, Chief AI officer, etc.), il faut s’en emparer avec une vision holistique et à long terme mais aussi en prenant en compte les usages au quotidien.
L’IA, ce n’est pas que de la tech. Il existe aussi des angles d’éthique et de gouvernance à considérer.
Comment les sociétés technologiques abordent-elles le virage « AI First » ?
Contrairement à ce qui se passait dans les sociétés technologiques, l’IA n’est pas considérée comme un nouveau sujet tech.
- Auparavant, il fallait passer par des phases préalables de spécification et de POC avant de passer la main au business.
- Avec la nouvelle vague IA que nous connaissons aujourd’hui, l’objectif est de passer à des applications concrètes (sales, marketing, RH…) le plus rapidement possible en fournissant un minimum d’infrastructures et des outils low code à des profils qui ne sont pas techniques. On observe de la part de la DSI un phénomène de lâcher-prise.
Dans mon parcours professionnel, avant de basculer dans le monde du recrutement exécutif, j’ai collaboré avec des sociétés technologiques comme Google. Voilà dix ans que ce lâcher-prise a été initié avec l’arrivée des premiers réseaux sociaux d’entreprise.
Cette approche s’est élargie à un plus grand nombre d’entreprises tech et continue de s’accentuer. Dès lors, il est juste demandé de faire un récapitulatif chaque mois sur les bons cas d’usage avec une certaine liberté dans le choix des outils.
Avec ce partage d’informations et de retours d’expérience sur l’IA, la logique est différente avec des profils business qui évoluent en autonomie : le commercial qui développe son propre workflow de génération de leads par exemple.
Avec votre fonction de recruteur, comment utilisez-vous l’IA pour vous aider finalement dans vos activités ?
Nous exploitons effectivement des outils IA en interne.
De manière globale, quatre à cinq étapes d’un process de recrutement peuvent être augmentées en IA.
- 1re étape : pour gagner un mandat de recrutement, l’IA peut nous aider à être plus impactant sur nos phases de pitch pour trouver le bon discours et le bon positionnement.
- 2e étape : il faut trouver les bons candidats. Nous avons des outils IA en interne qui nous permettent de les identifier plus rapidement avec l’appui des bases de données exploitées par notre cabinet ;
- 3e étape : la phase d’entretien est optimisée grâce à l’IA qui enregistre l’échange et qui en effectue la synthèse ;
- 4e étape : l’IA peut aider pour l’analyse des benchmarks et des data points pendant la phase de négociation salariale.
En théorie, l’IA devrait accélérer le processus de recrutement mais il existe encore une forte empreinte humaine. Il reste des séquences de temps humainement incompressibles : disponibilité du candidat à recruter, son adhésion pour entrer dans le processus, phases de négociations, nombre d’entretiens à déterminer entre le candidat et le client.
Avec l’IA qui permet automatiser certaines tâches RH, peut-on considérer que nous aurons besoin de moins de RRH et de DRH en entreprise ?
Ce n’est pas automatique car il existe plein de modèles différents sur la manière de reporter les gains de productivité générés par l’IA.
Pour la gestion RH, on peut considérer que le temps libéré peut servir à améliorer l’expérience candidat ou approfondir les échanges avec les collaborateurs.
On peut également reverser ce temps gagné à la communauté sur des sujets collectifs (éducation, climat…). Les choix dépendent aussi des cultures d’entreprise et de leur valeur.
Adaptation d’une interview publiée sur News Tank RH le 21 novembre 2025. Pour découvrir l’intégralité du contenu éditorial, accédez à l’offre Découverte.
Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines