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Loïc Soubeyrand, Swile :« Nous voulons superviser toutes les dépenses professionnelles »

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

Après avoir percé sur le marché des titres-restaurant dématérialisés, Swile vise les autres avantages salariés et au-delà. La levée de fonds de 175 millions d’euros avec Softbank est à la hauteur des ambitions de la nouvelle licorne française.

Michel Combes, président de SoftBank Group International, et Loïc Soubeyrand, CEO de Swile  - © D.R.
Michel Combes, président de SoftBank Group International, et Loïc Soubeyrand, CEO de Swile - © D.R.

Fini le petit jeu. Place à la conquête du monde. Swile sert d'éclaireur dans la French Tech avec sa levée de fonds de 175 millions d’euros réalisée essentiellement auprès de Softbank.

Un méga-financement rondement mené dans le courant de l'été 2021 qui permet à la société technologique fondée par Loïc Soubeyrand en 2016 sous l’ancien nom Lunchr d’accélérer son développement. 

Dans une interview, le CEO précise sa feuille de route pour l’expansion géographique autour de ses deux produits phares : 

  • la Swile Card (une carte de gestion des avantages salariaux : titres-restaurants, chèques cadeaux, mobilité durable…)
  • la Swile App dédiée à l’expérience employé.

A mi-chemin entre la HR Tech et la FinTech (voire la « WorkTech » selon l’appellation autoproclamée), Swile déploie ses ailes dans une configuration atypique. 

Quelles sont les prochaines étapes de l’expansion internationale de Swile ?

Après la France et le Brésil en lien avec le rachat de Vee Beneficios, nous visons le Mexique. Nous disposons d’une petite équipe sur place pour préparer le lancement. Nous n’avons pas fixé d’échéance car nous sommes encore en train d’élaborer le plan. Entre croissance interne ou croissance externe, les deux scénarios restent ouverts.

Le principal enjeu à court terme, c’est de faire de l’Amérique latine notre marché numéro 1.

Rien que le marché du Brésil est quatre fois plus gros que celui de la France. Tandis que le marché du Mexique est un peu plus petit que le marché français.

C’est notre plan de séquençage : l’Amérique latine d’abord puis nous allons aussi avancer en Europe et ensuite dans le monde entier.

En 2021, Swile devrait réaliser un volume d’affaires de 850 M€ dans le segment des titres-restaurant. Nous voulons maintenir 100 % de croissance en 2022.

Au-delà de la percée sur la dématérialisation du titre-restaurant, comment Swile avance avec les autres titres d’avantages salariés ?

Nous mettons en avant une vraie “carte employé” qui intègre d’autres composants que le titre-restaurant. Nous unifions tous les avantages sur une seule carte.

  • En 2020, nous avons lancé l’offre cadeaux.
  • Celle sur la mobilité durable a aussi été mise en place. Mais, pour des raisons règlementaires en lien avec les négociations annuelles obligatoires (NAO) en entreprise, le marché va vraiment décoller début 2022.
  • Nous allons rajouter les titres-vacances, qui seront déployés en 2022.

Tout l’enjeu de cette levée de fonds de 175 M€, c’est de passer de la carte des avantages salariés à la “carte employé” tout court.

Pour élargir notre périmètre à la gestion :

  • Des frais professionnels,
  • De l’argent personnel,
  • Du salaire avec la possibilité d’obtenir un acompte,
  • Du partage d’argent entre collègues sous forme de cagnotte.

Tel est le troisième étage de la fusée. C’est vraiment l’angle de la carte unique que nous attaquons pour superviser toutes les typologies de dépenses dans son environnement professionnel. En visant en particulier les petites sociétés, qui constituent un segment de marché sous-pénétré.

Dans notre stratégie « mobile first », nous pouvons aller plus loin en dématérialisant le support physique de la smart card et fournir une carte 100 % virtuelle disponible sur son smartphone. C’est notre proposition par défaut mais il existe encore une demande forte pour disposer d’une carte physique avec un design personnalisé. Nous laissons toujours le choix aux responsables RH.

À qui s’adresse Swile avec son offre ? Aux DRH ou aux CSE ?

Swile s’adresse aux deux cibles, mais cela dépend du segment de marché. D’ailleurs, nous sommes le seul acteur sur le marché à parvenir à lever cette véritable barrière à l’entrée. 

  • À 99 %, nous passons par le DRH pour les titres-restaurant et les forfaits mobilité durable.
  • La gestion des titres-cadeaux et des titres-vacances concernent d’abord les CSE.
  • Pour la gestion des frais professionnels, il faudra passer par les services généraux ou les directions financières des organisations.

En France, les CSE constituent des entités juridiques à part entière. Les informations personnelles ne peuvent pas transiter entre la DRH et le CSE. Pour autant, nous sommes parvenus à unifier l’expérience employé.

À quel stade de développement êtes-vous avec votre deuxième application Swile App ?

Cette application est destinée à mesurer l’engagement des collaborateurs au quotidien dans l’entreprise. Nous avons procédé à une phase bêta depuis un an. Le déploiement commercial a démarré avec des modules de sondages anonymes.

Nous avons plus de 10.000 utilisateurs de cette application à travers une centaine d’entreprises.

Quant aux fonctionnalités permettant d’agir sur l’engagement des collaborateurs pour renforcer la cohésion des équipes, elles seront dévoilées en début d’année prochaine.

Dans quelle mesure les titres-restaurant représentent un marché de renouvellement ou de conquête ?

Il reste encore un peu plus de 50 % du marché à dématérialiser en France. En soi, c’est déjà une grosse poche de croissance à creuser en conquête. La part belle est faîte à l’innovation. Actuellement, le marché est « tout feu, tout flamme »

Parallèlement à la vague de dématérialisation qui s’est accélérée avec la crise Covid-19, la restauration d’entreprise a mauvaise presse avec les effets de la pandémie. Les employés ne s’y rendent plus 5 jours sur 5 en raison du développement du télétravail.

On assiste donc à une bascule de la cantine physique vers un recours amplifié de titres-restaurant. C’est une création de marché supplémentaire que Swile doit prendre en compte.

Le fait de devenir partenaire d’une entreprise pour les titres-restaurant implique des cycles de 8 à 10 ans.

C’est donc très structurant dès que l’on signe un nouveau contrat, comme celui décroché avec Carrefour France début 2021.

Levée de fonds de Swile : « La vélocité de Softbank pour se différencier »

Pour réaliser ce tour de table qui lui permet de devenir une licorne c’est à dire une société valorisée à plus d’un milliard de dollars, Loïc Soubeyrand explique que la « connexion » avec Softbank a été rapide :

« Nous nous sommes rencontrés en août à Paris avec Michel Combes (président de SoftBank Group International) et Marcelo Claure (Chief Executive Officer of SoftBank Group International) de passage en France. »
« La connexion a été immédiate. Non seulement nous sommes une société en hyper-croissance mais, en plus, nous avons un prisme Amérique du Sud. » Un angle qui n’a pas échappé à Marcelo Claure, d’origine bolivienne, qui supervise un véhicule d’investissement spécial LATAM pour le compte de Softbank. 
« Il a fallu juste quelques semaines pour boucler cette levée de fonds. Compte tenu de la compétition entre les sociétés de capital-risque, l’un des leviers pour se différencier, c’est la vélocité. »
• D’autres fonds ont participé à ce tour de table comme Eurazeo, Index, et Bpifrance Large Venture. Selon Les Echos, on trouve même un « shadow VC » du nom de Hedosophia (venant de Londres). Son nom n’est pas mentionné dans le communiqué de presse.
• William Kunter a pris les fonctions de Chief Financial Officer de Swile en mai dernier. Auparavant, ce Français installé à Berlin collaborait avec la néobanque N26.